La Gifle (partie 2/3)

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Proposée le 2/06/2009 par ANNIE-AIME

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La Gilfle

Résumé épisode 1 :

Cédric est jaloux du passé de Cynthia. Le couple se chamaille depuis que l'épouse a invité des amis surgis d'une vie antérieure. La querelle s'envenime et culmine la veille de l'arrivée des deux nigériens. L'irrémédiable est commis. Quelle gifle ! Une seule, retentissante, humiliante. Le climat n'est pas à la joie quand Cynthia accueille ses invités, comme prévu à l'aéroport d'Aulnat. C'est l'occasion de faire la connaissance du frère de l'un d'eux, un étudiant résidant de la capitale arverne, lequel propose d'héberger tout le monde, le temps d'un transit bienvenu pour fêter les retrouvailles. Au cours de cette nuit, un quiproquo abracadabrantesque confronte Cynthia et un quatrième larron, colocataire de l'appartement avec l'étudiant. Le couple fortuit initiera une aventure qui n'est pas nécessairement du goût de tous. Bilali et Ahmadou sont dépités, déçus d'être coiffés sur le poteau. Le premier en conçoit de l'amertume tandis que le second n'en exprime que plus de convoitise.

La Gifle (partie 2/3)

La nuit fut agitée. Cynthia est encore abasourdie. Une pulsion irrépressible la poussait vers cet homme. Comment en était-elle arrivée là ? Les rêves, les fantasmes, la sensualité, le désir, la confusion mentale, la méprise, les égarements, tout un cheminement qui la conduisait in fine dans les bras de cet inconnu qu'elle crut être Ahmadou.

Des vocalises inattendues alertèrent le bonhomme lequel in fine mit en lumière le quiproquo, qui d'évidence les éberluait tous deux mais Cynthia plus encore que Mamadou. Médusés par l'embrouillamini, coincés par les circonstances, ils résolurent de partager ce lit sur lequel tous deux avaient des prétentions à un titre ou un autre. Ils s'étaient allongés chacun de son côté, sagement, mais le diable veillait.

Cynthia ne parvenait pas à se rendormir. Son énervement persistait. Comment oublier ce corps à quelques centimètres du sien ? Comment oublier la force, la chaleur, la vigueur, et cette langue dont la trace restait sensible au plus profond de son intimité ? Que dire de ce visage dont la symétrie, la pureté des traits l'impressionnait ? Impossible de rien oublier. Impossible de rien effacer. Ses efforts pour se vider la tête étaient vains. Un rien suffisait qui remettait tout en cause et son désir reprenait le pouvoir plus puissant, plus envahissant que jamais. Cet homme, ce mâle à son côté, l'obnubilait, lui chamboulait la tête. Elle avait espéré, attendu un geste de sa part puis n'y tenant plus, ravalant sa fierté, n'obéissant qu'à la pulsion, elle l'avait rejoint.

La jeune femme ne regrette pas l'initiative. La dopamine perfuse encore et dispense cette étrange plénitude qui suit l'acte amoureux mais d'autres sentiments s'emmêlent déjà les pinceaux dans sa tête. Une pointe de remord frange la satisfaction, non pas tant vis-à-vis du cocu dont on se gausse, qu'au regard d'un idéal sentimental, d'un romantisme suranné auquel elle sacrifiait jusqu'à cette nuit. Son manquement marque une rupture irréversible. Adieu ! Les illusions de midinettes. Oubliés ! Les vœux de fidélité. Amour toujours ? Ah ! Ah ! Ah ! La bonne rigolade.

Par-dessus le méli-mélo romanesque, vient le dépit des amis, qui la surprend, qui est grand navrement, pour Cynthia, laquelle comprend après coup la jalousie, le désappointement des deux noirs, dont les réactions sont assez dissemblables. Celle d'Ahmadou est à peu prés en ligne avec son attente, celui-ci qui laisse percer une déception acide, une convoitise méprisante, tandis que le mutisme de Bilali la désoriente, suscite chez elle de l'embarras, presque de la honte. Elle n'ose l'affronter.

ooo0ooo
Pauvre Cynthia ! Un mari teigneux et bougon ne lui suffisait pas, voilà pas qu'elle ramène en sus un boudeur taciturne et un maniaque pervers un brin paranoïaque pour faire bon compte. L'humeur est maussade quand on embarque en début de matinée, direction plein sud, vers l'Artense, à bord d'un carrosse à quatre roues conduit par la jeune américaine. Bilali boude à l'arrière tandis qu'Ahmadou prend place à l'avant sur le siége passager. La disposition n'est pas très importante sauf qu'un autre arrangement évitait peut-être l'anicroche désagréable. S'il avait pris place à l'arrière l'obsédé sexuel ne pouvait que se tenir tranquille, tandis qu'à l'avant, la tentation existe.
-Ahmadou, reste tranquille, alerte gentiment la conductrice. La main du lascar s'aventure sur le genou de Cynthia, remonte vers la jupe dont elle repousse l'ourlet, se glisse dessous. Stop !
-Arrête ! Prévient Cynthia sur un ton beaucoup plus ferme en repoussant l'appendice importun. L'impénitent revient à la charge aussi sec, plus déterminé, plus rapide. Il force le passage entre les cuisses.
-Ca suffit ! Maintenant tu arrêtes, commande la donzelle de fort mauvaise humeur. L'autre mésestime le péril, poursuit sa quête, ose un doigt fureteur. Un élastique ? Est-il dans la place ? Cynthia manque t'elle d'autorité ? Sans aucun doute. De patience aussi, qui est mise à rude épreuve. Elle craque. Vlan ! La riposte est sanglante. Le revers de main fait du dégât. Le nez pisse. Il l'a bien cherchée. La punition porte des fruits, qui est efficace mais ne contribue pas à réchauffer l'atmosphère. Le climat est exécrable toute la journée et le lendemain aussi.

Au domicile, les gus restent affligeants. Le mari aussi qui ne fait pas d'esclandre mais montre une mauvaise volonté consternante, pire que jamais. Quid des remords, de la mortification, de la gifle en un mot ? Aux oubliettes ! Toutes ces bêtises ont été balayées par la lame de fond qui déferlait à la suite de l'appel de la veille. Mille questions hantent le conjoint. Que fait-elle avec ces types ? Pourquoi ne rentre t-elle pas ?

Depuis l'appel, il cogite ainsi, rumine, ronge son frein. Sa jalousie mousse, gonfle, enfle. C'est dire son état d'esprit quand Cynthia et les deux noirs rappliquent enfin. Un reste de sagesse et de crainte mêlées, enfoui on ne sait où, le retient cependant. Il n'ose pas pousser le bouchon trop loin. Non ! Le pleutre n'ose rien de décisif, tout au plus se satisfait-il de petites mesquineries dérisoires. Il se lâche, peste, pète, rote, crache, râle, crie et fait tout pour être parfaitement insupportable. Affligeant ! Lui aussi.

Cynthia prend sur elle, serre les dents, ignore le comportement irritant parce qu'elle n'a pas de réponse et a d'autres chats à fouetter. Les deux boudeurs la préoccupent, qu'elle veut amadouer. Ceux là, elle en fait son affaire, les assomme et s'enivre elle-même dans la réalisation d'un programme d'enfer, conduit au pas de charge. Le soir, ils rentrent sur les rotules. Personne ne bronche. La fatigue écrase tout le monde.

Le mari piaffe qui les attendait pour dîner et la retrouve enfin alors qu'il est bien nuit. Et encore est-ce une aubaine qui lui échoit parce que la place manque, vu que la capacité d'hébergement est saturée, mais si le couple partage la couche nuptiale, la distance entre les corps vaut plus que la largeur du lit. Les cartésiens rétorqueront sans doute qu'on bafoue la logique mathématique, c'est qu'ils ignorent la dimension sentimentale.

Le postulat ci avant, tolère des dérogations quand Cédric tente un rapprochement en vue de briser la glace mais l'illusion rationnelle ne dure qu'un instant, qui fait exception puis il regagne sa position fantaisiste après s'être fait méchamment rembarrer. .

Le mari aurait-il civilisé son humeur ? Ben oui ! Il a bien vu combien les invités maltraitent sa chérie. D'autres auraient pris la mouche, lui s'en réjouit. Tous ces indices qu'il interprète favorablement, la morosité, le parfum d'inimitié, les piques, tout cela l'enchante, le rassure. Ce baume calme sa jalousie. Il a ravalé sa hargne, limé ses crocs, rentré les griffes, et joue patte de velours. Il est mûr pour la réconciliation, prêt à reconnaître ses torts, à faire amende honorable, à abjurer son écart méprisable mais la rancunière n'est plus disposée à passer l'éponge. Désolé ! Le temps de la miséricorde est passé.

Le temps n'est plus au pardon. Pourtant, le matin même, la jeune femme était décidée à pardonner pour peu que l'accueil soit cordial, pour peu que l'époux joue franc jeu comme un allié. Ce fut loin d'être le cas puisque ce damné jaloux se montrait d'emblée désagréable, vis-à-vis d'elle autant qu'envers les deux noirs. Fini ! Le temps n'est plus au pardon. La jeune femme ressasse sa décision, ranime sa colère, ravive l'humiliation. Le souvenir de la gifle savamment exacerbé, redevient cuisant, bouleversant, rageant. La pauvre tête bouillonne de mille rancoeurs. Pauvre couillon ! Ta pénitence n'est pas terminée. Qu'avais-tu besoin de la frapper ? Haro sur le macho ! Qu'il mijote ! Qui a de l'indulgence pour le lunatique ? Qui a du temps pour ce capricieux ? Pas Cynthia en tous cas.

Le lendemain tout autant que la veille Cynthia prend encore soin de ses amis nigériens avec lesquels elle voudrait se rabibocher, mais l'explication n'est pas vraiment concluante qu'elle tente avec eux.
-T'ai-je donc fait tant de tort, que tu me boudes encore ? Lance t'elle à peu prés dans ces termes à l'attention de Bilali. Le front de ce dernier se rembrunit derechef. Il se ferme, ne répond pas, tourne les talons et disparaît dans sa chambre tandis qu'Ahmadou ricane.
-Moi je sais ce que tu peux faire, bave t'il sur un ton égrillard, en ajoutant quelques autres propos salaces, avec des gestes équivoques. Lui n'est pas rancunier mais se fait volontiers condescendant, un brin méprisant et deviendrait polisson si on laissait faire.

Du côté du mari, ce n'est pas mieux. Celui là digère mal les rebuffades de la nuit, lesquelles ont passablement érodé ses bonnes intentions. De surcroît, les manières, les bonnes grâces que Cynthia réserve à ses amis, lui tapent sur le système, ce qui n'est pas du tout de nature à améliorer son humeur. Il a des mots, ces mots qu'on regrette, ces mots qui font mal. Les français sont vraiment cyclothymiques, songe Cynthia en contrôlant sa respiration façon yoga en vue de récupérer son calme et évacuant son amertume dans une généralité émolliente autant qu'abusive.

Bonjour l'ambiance ! La tension l'épuise physiquement, nerveusement, moralement. Sera-t-elle capable de supporter longtemps ce climat de guerre larvée ? Cynthia en a ras le bol du mari et des amis aussi. Les visiteurs aussi en ont assez qui négocient avec Air France la possibilité d'avancer le retour vers Paris. La jeune femme est tout à la fois peinée, honteuse et soulagée.
-Entendu, on fera comme tu voudras, répond-elle quand Bilali lui demande si elle accepte de les raccompagner à l'aéroport. Cette situation est pour elle embarrassante, qui lui donne le sentiment de trahir l'amitié et le devoir d'hospitalité. Encore que l'embarras n'est rien au regard de ce gâchis. Les fâcheries entre amis sont toujours tristes, quelles qu'en soient les raisons, quel qu'en soit le responsable. Cynthia est triste et d'autant plus que le délai est désormais compté pour raccommoder.

Tous ces sentiments s'emmêlent dans son esprit, dans sa tête autant que dans ses tripes, qui font qu'elle a murmuré sa réponse d'une voie à peine audible, en articulant calmement, lentement, pour se donner le temps de les disséquer, de les identifier, de les dissimuler. Surtout ce filet de soulagement, peut-être même est-ce de la joie, qui se glisse, enfle et se faufile et dont elle a honte. C'est plus fort qu'elle, plus fort que tout. Dans le même temps, l'anxiété se dissipe, les aigreurs d'estomac disparaissent tandis que la bonne humeur reparaît. L'avion décolle en fin de matinée, il ne faut pas s'éterniser.

Pour ce retour, la donzelle s'est mise en frais, qui est plus bandante et sexy que jamais. En quel honneur ? Le retour de la bonne humeur ? Le désir de plaire à ses amis ? Mamadou ? Aller savoir ! La jupe ne peut pas être plus courte et le décolleté plus troublant. Personne ne reste insensible, pas même les statues. N'est ce pas un appel caractérisé ? A l'amour ? Au viol ? Si fait ! Les deux zouaves ont du mérite, qui se tiennent peinards tout au long du trajet.

Sans doute a t-elle forcé la note par rapport à son habitude mais l'époux en porte la faute qui s'en est mêlé. Ne la trouvait-il pas trop provocante, ce monsieur qui voulait l'attifer d'une burqa. La bonne humeur retrouvée n'y résista pas. Il l'agaça tant, qu'elle prit le contre-pied et en rajouta. L'opportunité était toute indiquée. L'armoire regorge de ces achats coup de cœur, de fringues sur lesquelles elle a un jour flashé et qu'elle n'ose pas mettre parce que le moment n'est pas opportun, parce que la tenue est inconvenante, parce qu'elle n'a plus le toupet de se vêtir comme une collégienne si tant est qu'elle en a encore le goût.

L'époux s'étrangle t'il ? Tant mieux ! Depuis quelques semaines le tyran agace prodigieusement son épouse. La gifle n'est pas le seul sujet de discorde. Il y a aussi le fait que Monsieur vire sa cuti et fait dans l'intégrisme. Ces temps derniers, les jupes sont toujours trop courtes, les décolletés trop profonds, les pantalons trop moulants. C'est bien simple, l'adverbe est désormais omniprésent dans les propos du bonhomme, tout est en trop et trop c'est trop, le maquillage, le déhanchement, les manières, les grimaces et toute sa façon d'être à elle qui a toujours été comme ça. Les hommes sont étranges. Le sien plus que les autres. Quelle mouche l'a piqué ? Plus d'un an de vie commune et voilà qu'il se dévoile, qu'il se découvre, qu'il devient puritain.

La jeune femme était consciente qu'elle en faisait beaucoup trop, hésitait, envisageait une tenue plus sage. Lui, l'époux, le fâcheux pouvait conforter l'option de la sagesse pour peu qu'il se tut ou bien qu'il s'exprima civilement. Non ! Monsieur gesticulait, criait puis haussait les épaules, tournait les talons et foutait le camp. Les graviers de l'allée crépitèrent quand il mit les gaz. La voiture vrombit, franchit le portail d'entrée et disparut. Ce comportement de gamin excité et irresponsable irritait Cynthia, laquelle en retour, en conçut plus d'audace et de détermination.

Tout le monde embarque. C'est parti ! La jeune femme remâche ses griefs, martyrise le levier de vitesse autant que les passagers lesquels n'en peuvent mais, qui souffrent la conduite olé-olé. De temps en temps Ahmadou ose lorgner les cuisses et tantôt le décolleté mais veille à rester discret. L'expérience paie.

Le souvenir de la scène déplaisante avec le mari finit par s'estomper. La colère de la jeune américaine tombe. Une humeur plus badine prend le relais. La conduite s'améliore. Le manége d'Ahmadou n'est pas pour rien dans cette évolution. Cynthia devine, voit ce qu'il reluque et n'en est pas irritée, plutôt flattée. La retenue, la prudence du bonhomme l'égaye. Sans doute se tient-il à carreau pour ne pas recevoir une autre baffe ? Elle en conçoit plus d'amusement et un peu de remord. Sa réaction n'avait-elle pas été exagérée ? Si sans doute mais au moment elle n'était pas elle-même. Bande t'il ? Ouais ! Son émoi est discernable qu'il ne peut dissimuler.

La peur d'être devinée à trop zieuter les stigmates du désir du mâle incite la jeune femme à réagir, à chasser les pensées salaces. L'évocation de Mamadou prend la « une », qui la distrait, l'arrache à l'obsession. N'est ce pas tomber de Charybde en Scylla ? Probable. Qu'importe ! Son esprit gambade, évoque des moments forts. Cette nuit avec Mamadou ! Quelle audace ! Elle n'en revient toujours pas d'avoir osé faire le premier pas. Elle se rappelle ces moments dans ce lit. L'espoir, l'attente, l'atonie du mâle, son initiative à elle et cette érection puissante et bien vivante dans sa main. Diable ! Dévergondée la môme, s'amuse t'elle en elle-même en se remémorant sa témérité.

Foin de la fidélité ! Si les dieux veulent bien, elle n'exclut pas un nouvel écart avec l'amant dont elle garde un souvenir ému. Elle est parée. La veille, Cynthia passait chez le toubib et à la pharmacie pour régler ces questions que les hommes laissent en partage à leur compagne, à leur amante.

Le couple, Cynthia et Cédric, nourrissait un désir d'enfant, qui va naturellement de pair avec une absence totale de contraception. Ces dispositions ne sont pas raisonnablement compatibles avec les écarts auxquels l'épouse se laissait aller. La visite chez le toubib et le pharmacien remédiait à l'anomalie. Incidemment, la démarche suscite après coup quelques autres questions. Quid des espoirs de maternité ? Pschitt ! Disparus. N'y avait-il pas déjà de la préméditation dans l'air ? Un secret désir de fauter à nouveau ? La chair est-elle si exigeante ?

Quid de la protection ? Cette question primordiale entre toutes ne semble pas vraiment préoccuper Cynthia. De ce point de vue, elle est plutôt naïve et persuadée être née sous une bonne étoile. Avant son mariage, elle choisissait ses partenaires, au demeurant peu nombreux parmi ses amis dont elle croyait tout connaître, dont il lui semblait difficile de se défier. Depuis l'hymen, Mamadou est son premier et seul écart. Ce cas déroge aux règles de prudence telle qu'elle la conçoit. Encore que la méprise permet une relecture plus conventionnelle. Quoi qu'il en soit, le soupçon, la crainte l'effleuraient qu'elle écarta parce que l'amant certifiait qu'il était sain. Qui peut faire confiance à ce point ? Cynthia ! Bien sûr.

Le frangin attend sur le trottoir au bas de son appartement. Laure ? Mamadou ? Cynthia n'ose pas questionner, reste sur sa faim, embarque le frérot. Tous les quatre filent dare-dare à l'aéroport. L'aérogare est quasi déserte. Quelques passagers sont en ligne dans la file qui attendent leur tour pour l'enregistrement. Cynthia abandonne ses amis et décampe direction les toilettes.

Que se passe t'il ? Ahmadou et Bilali ont rejoint la jeune femme. Le premier la bouscule, la pousse à l'intérieur des toilettes pour hommes.
-Lequel de nous deux préfères-tu ? Eructe Ahmadou, qui assure sa prise et poursuit son tripatouillage. L'attache du soutien gorge ne résiste pas aux sollicitations viriles.
-Shit ! Tu as gagné. Mon soutien gorge est foutu, beugle t'elle avec colère en tentant de desserrer l'étreinte du colosse.
-Répond ! Lequel préfères-tu ? Insiste l'assaillant tandis que Bilali ne bronche toujours pas.
-Ce ne serait certainement pas toi, réplique la jeune femme aussi sec sur le ton du défi.
-Déconnes pas ! C'est moi que tu veux, corrige Ahmadou, persuadé que la réponse ne peut que lui être favorable.
-Laisse la tranquille, intervient Bilali quand le jeu prend une tournure brutale. Une boucle d'oreille de la jeune femme s'est coincée dans la chevalière du bonhomme, lequel s'énerve, risque de la blesser, de déchirer le lobe.
-Stop ! Le bœuf ! Inutile de m'arracher l'oreille ! Rouspète Cynthia.
-Bilali ! Oui, C'est Bilali que je préfère, assène t'elle pour se venger sans bien mesurer la portée de sa réponse. Le mâle dépité relâche sa prise et balance son paquet dans le premier box ouvert. Par bonheur l'abattant est rabattu sur lequel elle atterrit.

L'algarade est si étrange, si surprenante, si rapide que Cynthia comprend trop tard être l'enjeu de la joute verbale. L'aurait-elle compris plus tôt ? Elle refusait de se prêter à ce jeu imbécile. Bilali entre dans le box à son tour, pousse le battant, la dévisage l'air penaud.
-Merci, prononce t'il sobrement, presque timidement, pas trop sûr d'être le premier choix de Cynthia, parce qu'il mesure la légèreté des paroles au regard de la virulence des répliques, parce qu'il voit avec effroi la mine égarée de la jeune américaine.

La jeune femme n'en revient pas. Une telle attitude ? De la part d'Ahmadou. Possible ! De la part de Bilali. Impossible ! Que s'est-il passé ?
-Cynthia. Ahmadou a comploté tout ça. Je ne voulais pas, déclame le bonhomme d'une voix à la fois plaintive et irritée, plus contre lui-même et la terre entière que contre la jeune américaine, laquelle voit le regard implorant, entend la question non exprimée et pressent l'attente. Sa réponse va porter un enjeu autrement plus important que les mots, que les humeurs, que la chair. L'amour est sur le tapis. L'amour que Bilali porte à Cynthia, laquelle devine qu'il a mis toute son âme dans la brève tirade, qu'il a mis tout son cœur en balance, qu'il tiendra parole en toutes hypothèses, qu'il la laissera aller en paix mais aussi que leur amitié ne survivra pas à une réponse négative.

Que dire ? Que répondre qui ne détruira pas tout ? Combien elle a beaucoup d'amour, de tendresse, d'estime pour lui. Que faire l'amour dans ces conditions ne lui apportera rien, ne résoudra rien. Non ! Elle le sent. Rien de ce qu'elle dira ne peut plus l'émouvoir. C'est un animal blessé. Elle l'achève ou le panse. L'achever lui est insupportable mais elle ne consent pas pour autant à le panser.

Dans le même temps, l'humour de Cynthia reste intact, laquelle s'amuse du paradoxe, se gausse de ce grand niais, de cet idiot qui certain soir pouvait tout avoir quand elle voulait tout donner. Le destin manipule les marionnettes. Est-ce le diable ? Ou bien, le hasard désignait vraiment Bilali. Ne pouvait-il assigner Ahmadou ? Tout aussi bien. Quid du dilemme dans cette hypothèse ? Quel dilemme ? Le colosse ne l'aurait-il pas tronché sans même poser aucune question. Si fait ! Tranché le dilemme ! Brrr ! L'épiderme de la jeune femme ne se hérisse t'il pas de chair de poule ? Est-ce une frousse rétrospective ? Un désir naissant ? Juste un émoi, dont les frémissements inondent le périnée et remontent la colonne.

Un bruit de porte, quelqu'un entre, vérifie les box, pousse le battant. Cynthia s'oppose, rabat, verrouille. Une pulsion ! Sa décision est prise. Elle va se donner à Bilali, lequel a compris. Le visage du mâle s'éclaire, rayonne. Il la saisit à bras le corps, la soulève, l'embrasse partout sur le visage, les pommettes, les yeux, les sourcils, le nez, le menton, les lèvres, lesquelles s'unissent, fusionnent pour ce baiser dont Bilali rêve depuis qu'il connaît Cynthia.

Le baiser s'éternise, les mains s'égarent, les corps se cherchent tandis que le tumulte gouverne les cœurs. Il semble qu'à un moment donné, la jeune américaine prend la chose en main, qui a d'abord souci d'arranger des coussinets faits de papier toilette pour ne point blesser ses genoux. Confortablement agenouillée, elle œuvre, lèche et suce avec grand cœur. Le membre prend de la longueur autant que du volume, qui est rigide et raide à ravir.

La suite est très classique. Bilali la prend une première fois adossée à la cloison. Il la pénètre d'un coup et commence les va-et-vient dans la foulée. L'intrusion est brutale, déterminée, paradoxale pour un être d'ordinaire si timoré. De prime abord, ce mâle n'y paraissait pas qui est un véritable pur sang, un étalon, fougueux en diable, qui lui remue sacrément les tripes à la donzelle. Comme à l'habitude, celle-ci vagit son trépas et tour à tour gueule son bonheur, une musique divine, propre à charmer les foules.

Cynthia n'a jamais su faire en silence. Ses gémissements vont crescendo jusqu'à exploser en un récital de braiements suivis de vagissements moins sonores à tel point que l'on peut exactement prédire le déferlement de l'orgasme. Les tonalités aussi changent de registre, qui deviennent plus aigus après l'explosion des sens.

Les toilettes n'ont jamais connu telle affluence, lesquelles deviennent le dernier salon où l'on cause. Les gars font la queue devant les lavabos. Quelques dames osent même se montrer. Le couple qui n'en a pas conscience poursuit les galipettes et la donzelle continue à brailler. On engage la deuxième phase avec une nouvelle combinaison. Dés lors Cynthia bêle le nez sur la cuvette tandis que Bilali déploie toujours une énergie redoutable pour lui bourrer le cul. Un dernier orgasme emporte la belle un peu avant qu'il n'éjacule.

Mu par un bel enthousiasme, Bilali pousse l'obligeance jusqu'à procéder lui-même à la toilette de madame. Du nez et de la langue, il touille les lymphes goûteuses mélange de sperme et de cyprine et autres sucs féminins. Le vorace engloutit et déglutit tour à tour. Quel avaloir ! Quel talent !

Un seul bémol. Le béotien ! Qui piétine le linge de la dame, lequel a glissé de la poignée sur laquelle il était suspendu. Piètre serpillière, en vérité ! Je vous l'accorde. Quand à son usage ordinaire ? Que de réticences ! La loque qui n'inspire plus assez confiance est soigneusement emballée et promptement fourrée dans les tréfonds du sac à main, avec le soutien abîmé. La pauvre ! Qui doit aller cul nu sous son mignon petit tutu.

Deux hommes campent devant les lavabos, qui lorgnent l'image de Cynthia dans la glace. Wouah-ouh ! Quelle popularité ! La belle ne prend pas la grosse tête pour autant. Qu'ils foutent le camp ! Milladiou ! Marmonne t'elle mentalement en répétant laborieusement une expression du coin qui lui plait beaucoup. Cynthia s'impatiente, veut faire toilette et ne le peut pas devant un tel public.

Le couple est guilleret. Cynthia autant que Bilali arborent le sourire des jours heureux quand ils rejoignent les deux autres. Le prétendant malheureux n'est pas du tout rancunier, qui la cajole, la dorlote, la félicite de sa bonne mine et pose des jalons.
-Wouah-ouh ! Que lui as-tu fait ? Cela lui réussit. N'oublie pas ! La prochaine fois, c'est mon tour, martèle t'il en riant.
-La prochaine fois, confirme Cynthia, laquelle est toujours partante pour ce genre de promesses qui n'engagent à rien.
-Wouah-ouh ! Toi aussi ? Tu es radieuse. Et quelle devanture ! Poursuit-il en faisant mine de s'extasier du décolleté de la jeune femme, laquelle a noué de jolie manière les pans de son chemisier sous la poitrine, façon cache-cœur.
-Tu as cassé l'attache de mon soutien gorge, espèce de salaud ! Tempête t'elle mi-sérieuse et mi-amusée et assez excitée par son audace.

Cynthia frémit, savoure le piment de l'aventure, décode les œillades et s'égaye que le colosse ignore l'effronterie première. Le mignon petit cul nu sous le mignon petit tutu. Que ne dirait-il pas ? Que ne ferait-il pas s'il savait ? Il est temps. Bisous ! Bisous ! A bientôt !

Vraiment ! Les deux gaillards sont joyeux qui parlent de revenir. Ils embarquent à regret. Cynthia est heureuse de ce dénouement mais point du tout pressée de recommencer tout ce cirque.

L'avion a décollé. On revient vers le parking. Chemin faisant, le souvenir de Mamadou prend place dans les pensées de la jeune femme. Une douce chaleur inonde son bas ventre. Comment est-ce possible ? Cynthia vient de quitter les bras d'un amant qu'elle pense déjà à se réfugier dans les bras d'un autre. Son esprit nage dans une douce euphorie quand l'étudiant l'apostrophe.
-Cynthia, tu me laisses conduire ? Demande le jeune homme. Pourquoi pas ? A t-elle pensé sans autre arrière-pensée en tendant les clés de l'Audi A3. Aurait-elle accepté si elle avait su que le présomptueux n'a pas son permis, qui ne sait pas conduire ? Bien sûr que non. Le démarrage laisse place au doute. La manœuvre de recul est laborieuse, puis la voiture bondit et fonce droit devant. Par chance, la trajectoire évite les véhicules en stationnement mais pas les trottoirs, un choc, puis un deuxième, puis un troisième. La voiture s'immobilise vitesse enclenchée, moteur hurlant.

Cynthia pressent la panne. A juste titre ! Un peu plus tard, le mécano diagnostiquera un cardan cassé, lequel soit dit en passant, -le garagiste bien sûr, s'est déplacé dans un délai raisonnable qui fait honneur à la profession.

La jeune femme est au bord des larmes, qui s'est laissée bernée. Des lieux communs et autres généralités faciles lui viennent à l'esprit, qui déboulent et défoulent quand on est dans la merde. Un jeune occidental aurait-il agi de la sorte ? N'est-ce pas caractéristique de l'irresponsabilité africaine ? L'autre ! Le pauvre qui voit sa faute, ne sait plus où se foutre, ni quoi faire. Sans doute pourrait-elle le rasséréner, lui dire qu'il n'y a pas mort d'homme, seulement un bris mécanique. Non ! Niet ! La femme vindicative le laisse mijoter, qui rumine sa colère. Quand l'ire s'est un peu calmée, elle le libère. Autant qu'il foute le camp, d'autant qu'il ne sert à rien. Adieu Mamadou ! Le départ de l'étudiant sonne le glas de ses espoirs. Elle ne reverra pas Mamadou. Pour l'heure, Cynthia a d'autres soucis.

Le mécano la rejoint peu après qui pronostique deux à trois jours d'immobilisation. Europ assistance propose un rapatriement par bus SNCF, le denier part en fin d'après midi.

Le garagiste offre ses bons offices, qui est intéressé par l'aubaine, et prêt à la conduire où elle voudra, serait-ce même à l'autre bout de la terre. Ce n'est pas tous les jours qu'il dépanne une nana bien roulée et aussi chaude. Cette appréciation est naturellement le produit d'un raccourci parce que le bonhomme n'a pas tripoté mais il voit ce qui manque, tandis qu'il fait l'inventaire. De la donzelle ? Non ! Celui de la voiture, naturellement, mais de son point de vue, il a tout vu. Bon ! Les digressions nous égarent. Reprenons ! Le monsieur se réfère à une vieille règle de nos contrées qui postule la contribution calorique, inversement proportionnelle à la surface de la culotte. Dans ce cas, la méthode, au demeurant non homologuée, conduit à conjecturer une fièvre d'enfer, puisqu'elle n'en a pas, de culotte, naturellement.

Résumons ! La voiture ? Faut attendre. La donzelle ? Tout de suite si on veut. L'homme de l'art se targue de faire tomber la fièvre sur le champ, qui a ce qu'il faut en boutique. Cynthia n'est pas d'humeur à rire, qui décline l'offre, mais prend néanmoins la carte. Le satyre ne lui tient pas rancune, qui la dépose à la gare.

La jeune américaine appréhende la réaction du mari. Elle a longtemps différé le moment de le prévenir. Il est temps.
-C'est moi, murmure t-elle timidement quand elle l'a sur son portable.
-Alors, tu as expédié tes loustics, attaque t-il derechef d'un ton rayonnant.
-Euh !...Non ! Non. Euh ! Il n'y a plus de place. Ils étaient en liste d'attente, s'entend-elle répondre. Cette fadaise a surgi elle ne sait comment, qu'elle saisit au vol, pour différer l'aveu que la voiture est cassée. Elle regrette aussitôt mais c'est déjà parti. Elle n'ose pas reculer.
-Bordel ! Je parie que tu vas attendre ? Comme une grosse conne ! Le ton est soudain plus aigre, agressif, vindicatif. Suit une série d'appréciations de même acabit entrecoupées de jurons. Vraiment ! L'humeur ne s'est pas améliorée. Le salaud ne fait pas dans la dentelle.
-Exactement, éructe t-elle sans réfléchir, par dépit, humiliée d'être insultée, houspillée et malheureuse de ne point trouver l'épaule dont elle a besoin. S'il avait montré un comportement charitable, elle aurait sans aucun doute baissé pavillon et passé l'éponge sur tout, la baffe, les humiliations et cet enfer qu'elle supporte ces dernières semaines. Les hommes sont des imbéciles.

Après coup, la jeune femme se rend compte que son mouvement d'humeur complique singulièrement la situation. Elle ne sait plus que faire ni où aller. La panique gagne. Elle a des remords, veut rattraper sa bévue, rappelle mais la communication est redirigée vers la boite vocale. Elle renouvelle plusieurs fois l'appel. Impossible de joindre le mari. En désespoir de cause, Cynthia laisse un message après l'annonce habituelle.
-Cédric, je suis en rade. Rappelle moi vite. Je t'embrasse, articule t-elle avec soin pour être bien comprise. La diction est importante qui se veut conciliante et porte promesse de réconciliation. Elle évite cependant d'être trop précise afin de ne point donner l'impression d'une capitulation sans condition. Langage subtil ! Un moment elle a envisagé de s'exprimer en anglais mais il n'aurait pas compris. Elle est persuadée parler un français grasseyant et malhabile alors qu'elle s'exprime à la perfection avec un léger accent indéfinissable qui ajoute du charme à sa diction.

Machinalement, elle se dirige vers les guichets pour acheter son billet. Que faire d'autre ? Le frère de Bilali ? Elle n'y pense même pas. Mamadou ? Pas davantage. Prendre une chambre à l'hôtel ? Elle n'en a pas le courage. Se retrouver seule, abandonnée. Désespérant ! A quoi bon ? Il lui semble plus raisonnable de se rapprocher du logis. Deux heures d'attente avant le prochain départ, plus le trajet, environ une heure trente. Après ? Cédric va rappeler, qui comprendra sa détresse.

Son billet en poche, la jeune femme se dirige vers la salle d'attente. Les places sont toutes occupées soit par des personnes, soit par des bagages. Son regard balaie la salle sans trouver de siége vacant. Une jeune femme fait des signes, qui enlève son sac, dégage un siége. Elle est enceinte et accompagnée d'un garçonnet d'une douzaine d'années ainsi que d'un homme, peut-être son mari, mais qui parait plus jeune. Il ne peut raisonnablement pas être le père du gamin.

Cynthia prend place prés de la Maman, enceinte de plusieurs mois, dont le ventre est déjà bien rebondi.
-Merci ! Ç'est une fille ? S'enquiert Cynthia, qui accepte l'offre avec reconnaissance et veut se montrer aimable.