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Proposée le 20/11/2008 par serge32
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Amie très chère et lointaine,
Tu me demandes des détails sur le cimetière de notre village dont je disais qu'il était « gentiment hanté »..
C'est une simple référence à l'expérience assez extraordinaire à laquelle j'ai été confronté malgré moi, témoin passif et presque involontaire. Les faits sont troublants au début et puis l'histoire à la fin est très belle, je trouve. Malgré ses fondements dramatiques.
Une nuit de l'été dernier après quelques moments de sommeil, peut-être une heure, je ne sais plus, je fus réveillé par d'étranges sons venant du dehors. Le presbytère est comme toujours c'est le cas proche de l'église. Ici, une cinquantaine de mètres. Je dormais la fenêtre ouverte. Ces bruits provenaient de loin comme un souffle qu'auraient agité les feuilles de façon plus identifiable. Profond et long mais ce n'était pas le vent.
Je pensais à une chouette car il y en a plusieurs qui ont établi leur nid dans le clocher de l'église, et une, plus hardie l'a même installé dans le creux d'un tronc des vieux platanes qui entourent le presbytère.
Leur souffle ressemble à celui d'un dormeur au sommeil profond à la limite du ronflement et quelques soupirs pour mieux chercher l'air comme s'il devait se dégager d'une oppression écrasé par une bronchite ou le rhume.
En me penchant à la fenêtre, je cru distinguer que le souffle provenait du cimetière attenant derrière l'église. Son rythme variait parfois mais ne perdait pas de force et même je cru un instant qu'il portait en lui un gémissement. Je pensais à une bête prise au piège qui tentait de se dégager .
Des chasseurs parfois tendent des collets pour capturer ragondins ou fouines et autres prédateurs qui endomagent leurs cultures...
Au cimetière, ce serait bien étonnant!
Mon sommeil m'avait définitivement quitté et j'allai voir dans cette direction.
Soir d'été, les étoiles, belle Lune, donc bon gré contre mauvaise fortune.,,
À mesure que je m'approche en suivant mes oreilles plutôt que mes yeux, le son sans changer de nature me paraît varier en tonalité et amplitude, tantôt saccadé et plus aigü, tantôt soupirant et lent. L'hypothèse de la bête prise au piège est de moins en moins probable. Lentement en avançant sur l'herbe pour ne pas faire crisser les graviers de l'allée à couvert de l'ombre des cyprès sous la clarté d'une lune grise. Je vais au plus près vers le son qui n'a pas cessé de m'intriguer. Par prudence je me tiens tout de même sous la protection des troncs des arbres peuplant le cimetière entre les tombes, de hautes chandelles à l'allure fière et sombre.
Sous la clarté de la Lune, étalant un tablier blafard sur une large tombe de marbre blanc je découvre un couple y faisant l'amour.
Enfin il faut préciser :
la femme est allongée sur la dalle de marbre, habillée d'une robe déboutonnée sur le devant. Ses cuisses sont ouvertes et écartées vers le ciel, sa tête ramenée en arrière.
L'homme se tient adossé derrière elle à genoux le dos contre la stèle de la tombe. La bouche de la femme aspire lentement le sexe de l'homme penché à demi sur elle à la limite du déséquilibre. Le temps s'arrête de passer. La scène est fascinante. Elle serait banale, transposée dans l'intimité et le privé mais ici au cimetière c'est bien autre chose de fantastique.
Je ne peux plus avancer, sinon je pourrais me faire découvrir et même si je me sens coupable à cet instant, le spectacle m'absorbe tant que je ne me trouve pas la force d'y renoncer. Si des minutes sont interminables ce ne sont pas celle-ci car le temps est complice.
L'homme dégage son sexe de la bouche de la femme et de sa main droite semble chercher à retrouver son équilibre.
J'aperçois dans la lueur de la Lune sur fond de granite dans sa main revenue à la lumière surgir un os. Très long, blanc, fin. L'homme se penche complètement sur sa compagne et elle semble le guider. C'est elle qui accompagne le bras de l'homme prolongé de cet os, un fémur ou un tibia vers son sexe. Entre ces deux cuisses ouvertes à la splendeur de la Lune.
D'où je vois cette scène, la tâche plus sombre entre ses cuisses aspire la main de l'homme vers l'abîme, le splendide phallus a dû y pénétrer entièrement.
J'ai sursauté.
Elle a lancé un cri strident. Le seul son articulé depuis le début mais un seul et très net. La honte me prend, mais je ne peux me détacher de cette scène fantasmagorique où un homme va faire jouir une femme avec un membre de squelette.
Et c'est elle qui en a décidé, cela se voit. Elle maîtrise le mouvement. Il est toujours penché sur elle mais sa main ne tient l'os que par l'articulation du bout encore apparent.
le tibia, si c'est autre chose je ne sais pas, pénètre et ressort en longs va et vient qu'elle rythme de sa main droite et de son souffle.
Je me suis déplacé. Pensant bien qu'ils ne feraient pas attention à quoi que ce soit, tant pris par leur passion.
Après trois tombes contournées je me suis posté face à cette scène hallucinante. J'ai maintenant en spectacle derrière un bouquet d'immortelles en plastique les fesses de la femme et son sexe ouvert à la lumière de la Lune ou s'enfonce et ressort l'os articulé par deux mains solidaires dans un rythme lent et régulier.
La tête de l'homme est presque retombé avec ses cheveux sur le ventre de la femme en mêlant ses cheveux aux poils du pubis noir, je ne vois que cela, la nuit fait du reste ses agapes en abaque et mange tout le reste dans l'obscurité. Le souffle de la femme est bien le même qui au début m'a guidé ici.
Laissant l'os aller et venir et aller encore au doigté de la main de la femme, l'homme penché sur elle enfouit son visage au plus proche du pubis de la femme et s'appuyant sur cette dune mouvante, avec la main qui ne le tient pas en équilibre sur le marbre de la dalle il caresse entre ses doigts les auréoles des seins satinées. S'il se relève soudainement il pourrait me surprendre... mais je prends ce risque en m'approchant encore d'une tombe dans leur direction.
D'ici, je rois encore mieux en gros plan la femme se masturber longuement avec le splendide objet.
La lumière de la Lune ne semble luire nulle part plus fort que sur cet os devenu instrument de ses cuisses largement ouvertes vers le ciel en offrande, deux apostrophes pour mieux capter une mystique onde venant de la nuit et concentrer le plaisir.
La seule chose qui me convainc que ce n'est pas un rêve, une légère brise effleure soudainement la scène qui fait vibrer les aiguilles des cyprès protecteurs.
Aucun souci. Il ne le remarque pas. Il n'y a à cet instant rien de plus important dans tous le cosmos que ce couple qui fait l'amour, que cette femme qui va atteindre l'orgasme. Elle a augmenté le rythme en laissant l'os pénétrer moins profondément en elle. Il est luisant et brille d'autant plus. Son râle est plus intense, des gémissements saccadés tourbillonnent au fond de sa gorge ouverte.
La femme triture de son autre main le sexe de l'homme dressé au-dessus de ses seins vibrants.
Je pourrais me pencher sur eux, ils ne me verraient même pas. Mais je ne m'y risque pas.
C'est l'homme qui en premier vient à jouir en éjaculant aux longs jets qui éclatent dans la lumière d'un rayon de lune en éclaboussant le ventre creux et de la femme. Il s'est relevé en bombant la poitrine et offrir son front au ciel, les étoiles et la Lune. C'est du blanc sur le blanc sur blanc et pourtant je ne vois que cela.
Son brâme de buffle venu d'outre-tombe -fort mauvaise allusion- est à peine estompé que les cris jaillissent du corps de la femme se raidissant sur les fesses. Je vois très distinctement l'intérieur de ses cuisses parcourues d'un courant violent de vaguelettes en ressacs électriques. Ses deux pieds sont joints comme des paumes pour une prière adressée au ciel que le plaisir ne s'échappe pas.
Le plaisir est en elle est si puissant que son sexe se relève comme s'il voulait s'échapper de la Basse-Terre pour rejoindre les anges, l'os est englouti tout en entier. Les saccades sont telles que je crois qu'il a repris vie par ce prodige de la jouissance et s'anime tout seul en elle. Elle retombe après plusieurs secondes comme liquéfiée.
L'homme est affalé sur elle, il la recouvre, inerte.
Leur mutuelle immobilité soudaine paraît surnaturelle. Leur petite mort commune tranche avec la vie naturelle qui reprend sa place au cimetière. Si je bouge d'un millimêtre je risque de perturber cet ordre. J'attends. La Lune passe et repasse derrière des nuages qu'on ne voit pas. Noir sur noir et de noirs cyprès.
La vie aussi, plus forte que la nuit revient dans leurs corps. L'homme est le premier à se dégager de sa compagne. Elle s'assoit au bord de la dalle. L'os est resté à l'endroit où en dernier il est ressorti du sexe détendu de la femme repue. Elle le ramasse et le tend à l'homme qui le brandit à la lumière de la Lune. Offrande et dévotion. L'articulation protubérante qui a oeuvré en elle pour le plaisir luit plus encore, rosi des lymphes des chairs tendres. C'est de la femme que j'entends le mot accompagnant ce geste : "merci mon chéri".
Sobriété !
Puis aussi machinalement qu'elle le ferait chez elle le en sortant d'un fauteuil elle se rajuste, se passe les doigts dans les cheveux. L'homme a déjà ramassé sa chemise et son pantalon. Il se penche à genoux au bord de la tombe, fouille le ras du socle. D'un geste preste il y fait disparaître l'os et se relève. Elle est entre-temps agenouillée en prières sur la dalle et semble psalmodier une litanie vers la tête gravée. Elle y plaque ses lèvres pour y coller les derniers mots et se relève.
Sans hâte, tous deux s'éloignent et sortent du cimetière. Ils disparaissent à ma vue dans l'obscurité et les obstacles des arbres et des autres tombes.
J'attends d'entendre deux portières de voitures se refermer avant d'oser me relever et quitter mon repère. Lorsque leur voiture disparaît je suis sorti du cimetière pour rentrer essayer de finir cette nuit aussi bien que possible.
Tous les jours j'y ai repensé.
Tournant toutes les images accumulées qui imprègnent durablement mon esprit afin de leur trouver un sens.
Deux sataniques peut-être ? Dans ce cas, ils s'entourent d'un décorum plus extravagant je crois.
Une folle perverse qui ne peut jouir qu'en accomplissant un fantasme, à chaque fois de plus en plus délirant ? Je ne parle que d'elle car visiblement elle était la meneuse dans l'affaire.
C'est un jour que j'étais au marché, en ville, passant devant une terrasse, j'aperçus un homme attablé qui retint mon regard. Je crut le reconnaître.
Je n'avais pu au cimetière, dans la lueur de la Lune parfaitement distinguer ses traits, mais l'impression était tout de même forte de la ressemblance entre cet amant de ce soir-là et le consommateur ici. Je suis entré au café m'attabler juste à côté de lui pour mieux le détailler et essayer de confirmer mon impression.
C'est lui, en premier, sûrement qu'il avait dû ressentir mon regard le sonder de trop près, qui me demanda le plus naturellement du monde : « Vous voulez me demander quelque chose, Monsieur ? »
Sa voix n'avait aucune agressivité, laissant mon excitation fondre vite je lui dis en réparti « je vous ai vu au cimetière. ».
Là, il sourit. « Oui, moi aussi, mais je ne vous aurais pas reconnu »
. C'est de nouveau moi le plus surpris et proche du mat !
Pourtant je parviens à répondre, en hésitante interrogation : « vous faites cela souvent ? »
-- réponse naturelle : « souvent, non, ça dépend d'elle. Pour moi, c'est la première fois. On verra si ça marche. »
« Si ça marche ? » Moi, de plus en plus à côté de mes pompes...
« C'est-à-dire qu'il faut me dire si l'effet est valable. »
--... Moi, je ne vais plus rien dire du tout. Je le bouffe des yeux. Ce gars-là, il n'a pas besoin de moi qui pose des questions à la con, pour continuer posément à développer la suite :
« C'est une jeune femme perdue. muette et aveugle. Un terrible accident avec son mari. L'explosion totale du matériel du métal du fer et des corps. Elle a été éjectée au premier impact à plusieurs dizaines de mètres et lui, il est mort sur le coup. un cataclysme et un carnage !
Après plusieurs mois ils ont pu la récupérer mais elle est restée muette et aveugle.
Aveugle : c'est dans la tête que c'est débranché. Les yeux sont intacts mais le cerveau ne connecte plus. Et pour muette elle a tellement hurlé que le centre nerveux qui doit gérer ça a disjoncté aussi. Une beauté comme ça ! quel désastre.... Pour le reste tout est intact. Vous avez bien pu voir.
Je ne réponds pas.
Elle a découvert récemment que lorsqu'elle jouit intensément elle retrouve pour un temps dans des flashes la vision et la parole. Elle m'a fait comprendre que les centres de la vision et de la parole sont dans le cerveau très proches de celui du plaisir... Alors, plus elle en a, plus ça s'étend large. Une théorie comme une autre...
« Je ne sais pas si c'est toujours comme ça, mais chez elle tout est tellement bousculé par le choc terrible et la perte de son mari, à l'intérieur c'est sûrement tout en tas et vrac dans la tête alors... Une vraie foir'fouille, si ce n'est pas pire !
j'ose : «mais la tombe et l'os... ?»
«mais voilà ! elle ne veut pas tromper son mari encore. Alors c'est lui là-bas. L'os, c'est lui : un cubitus car il était gros bras ! Et que c'est la seule partie du corps qu'on ait pu retrouver à peu près intacte. Et en plus c'est un joli mot, je trouve.»
«Et vous ?»
... «Je suis payé pour ça.»
Je fais chauffeur, accessoiriste et guide. Infirmier : c'est le métier. Ce qu'elle fait en plus, et très bien d'ailleurs, c'est pour le goût et puis pour ma petite prime....
« Vous ne dites plus rien ?»
...
Je n'ai rien répondu!
Total respect ! À celle qui jusque dans la tombe fait l'amour avec son amant et, voit en escapade par la jouissance au-delà de la nuit et ses silences.
C'était cela. En repassant la grille du cimetière, je suis passé à côté de l'éternel.
Ils sont revenus quelquefois encore
. Il fait tout aussi chaud. La nuit colle à la peau et les heures s'écoulent lourdement sans pouvoir trouver le sommeil. Cet été est épuisant.
Comme la précédente fois, vers une heure du matin, dans le calme pesant de cette nuit le silence a été percé du chuintement lointain de leur voiture avançant au ralenti vers le côté de l'église. Je sais maintenant quel véhicule c'est qui s'avance aussi discrètement dans la pénombre.
Le V.S.L. Électrique passerait totalement inaperçu si je n'étais tourmenté par ces insomnies fréquentes qui rogne les nerfs. je sais déjà de façon presque certaine quelle sera la suite.
La première fois, on est tellement surpris et stupéfait qu'on ne réalise pas immédiatement la situation. C'est la quatrième fois et un plaisir m'envahit. Le bonheur que j'ai ressenti après la première fois et les explications du chauffeur me remplit soudain à nouveau.
Je n'allume cette fois aucune lampe dans la pièce. Dans l'obscurité de cette nuit, à couvert des ombres à peine entachées d'une faible lueur de la lune voilée je sors de la maison. Le V. S. L. s'est immobilisé silencieusement à l'entrée du cimetière. Le chauffeur ouvre la portière latérale, le hayon coulissant et la rampe glissent lentement. Il agrippe le fauteuil. Elle doit être plus mal encore que la première fois. Alors elle pouvait encore marcher. La dame, je la vois passer dans le fauteuil et recouverte du plaid enveloppant sa silhouette.
Aussi silencieusement que tous les autres mouvements, ils avancent vers la tombe. La même.
Je n'ai plus aucune appréhension de m'approcher de cette scène. La première fois je m'étais tapi mi effrayé -- mi-coupable craignant d'être découvert. Paradoxe du témoin inattendu : c'est lui, qui ne faisant rien d'incongru, se cache pour ne pas être vu, vu de ceux qui transgressent la quiétude des lieux, cette sérénité et ses logiques. J'avance comme si maintenant, à la quatrième répétition je fais moi aussi parti de cette scène. J'abandonne cette posture de prédateurs dans laquelle j'étais si mal. Sans pousser la désinvolture trop loin pourtant.
Il faut savoir en spectateur rester dans son rôle. J'ai la tacite permission d'être ce spectateur, sans plus.
Le fauteuil roulant glisse sur les graviers de l'allée et s'arrête devant le marbre luisant. L'homme le tourne et de côté saisi la femme sous les bras pour l'en tirer. Il la soulève et la déploie. La forme sous le plaid devient un corps, un vrai. Désarticulé mais vivant. La robe est la même. Longue et soyeuse, blanche et vivante. Je distingue mieux cette fois, cette fois que les précédentes cette ombre de spectre qui est enveloppé sous les plis de l'étoffe. L'émotion est plus forte.
La distance entre eux et moi est de deux tombes. Je suis dans l'ombre, ils sont dans la lumière. La lune, la même que le mois précédent baigne et estompe, au gré des passages de nuages dans la lueur argentée ces deux silhouettes. La robe s'étale sur le marbre, les couleurs se confondent. C'est comme si la pierre faisait quelques plis et ondulait de vagues. Le corps, l'idée d'un corps gît sur la pierre. Ce gisant là est splendide !
Les minutes sont longues. L'homme s'est retiré de côté. Il s'est assis sur le bord du caveau voisin. Il est immobile lui aussi, mais assis bien droit. Son regard dirigé vers le haut, vers le ciel, s'est tourné à l'intérieur de lui-même derrière les yeux clos. Une prière ? Jamais on ne peut imaginer l'immobilité aussi bien incarnée. Ni la paix aussi intensément ressentie.
Le reste de cette mini pièce en un acte se déroule à peu près de la même façon que les précédentes fois, avec quelques nuances, certainement dues à la situation physique de la femme.
Un rituel s'est déjà installé. Cette fois, elle est restée habillée presque entièrement de sa longue tunique blanche se confondant si intimement avec la pierre et l'homme semblait plus préoccupé et délicat que la première fois où je les ai découvert et surpris.
Il sait ma présence, et je sais qu'il sait.
Leur attitude est plus lourde, leurs mouvements sont plus lents, une lassitude semble les maintenir tous deux attentifs à des signaux intérieurs qui ne se perçoivent pas autrement qu'en pensée.
Son plaisir obtenu avec cet objet qui demeure appartenir à un autre univers et dont je connais maintenant la nature est plus lent et long avenir. Il n'en est pas moins intense pour autant. Lorsque après quelques soubresauts et tressaillements elle s'affale sur le catafalque de longues minutes s'écoulent avant que l'homme ne s'approche d'elle et lui prenne la main pour l'aider à se redresser à fin de la rasseoir dans le fauteuil.
La femme est cette fois restée absolument silencieuse lors de son orgasme au contraire des précédentes de fois où quelques cris stridents effarouchaient les oiseaux nocturnes. Leur départ semble peser de quelques regrets, comme si des adieux se préparaient avec ce rituel de rencontre métaphysique.
Ce sont nos rencontres avec son chauffeur/infirmier, et comme il le dit lui-même : Accessoiriste, qu'une d'intimité s'installe.
Le lendemain de la troisième fois où j'avais assisté à leurs ébats, c'est lui-même qui m'apercevant de loin sur la place de notre bourg m'a interpellé pour m'inviter à partager un verre.
Nos conversations, surtout à sens unique : c'est toujours lui qui a le plus à dire, m'apprennent des détails des péripéties ayant mené cette femme à sa situation actuelle.
Ils avaient été victime, elle et son mari, d'un terrible accident très spectaculaire dont il était décédé, et elle restée infirme.
On peut se contenter d'énumérer les ingrédients car ils suffisent à eux-mêmes à comprendre la situation.
On a un homme, son âge : une trentaine, un métier, l'argent et le pouvoir qui vont avec : une fonction dans la finance et ses dérivés en vanité et illusions. Une vie intrépide, la griserie des playboys, et la certitude d'êtres invulnérables.
Sa femme, jeune aussi, très belle. Elle oeuvre dans un métier artistique, actrice sans grande renommée mais avec un certain talent. Insouciance de la jeunesse et une vision bleutée de l'avenir. Ils s'aiment, ou tout du moins se désirent passionnément. Ils traversent la vie comme on traverse un rêve.
Sur l'autoroute la voiture puissante et, bien sûre très très chère et exagérément rapide bouffe goulûment le bitume vers le sud. Le ruban noir coule dans les Ray-Ban. Le soleil printanier de l'après-midi les enveloppe et les excite.
Le trafic est fluide, le bolide perce le paysage vers l'horizon.
Sûrement que les corps et les esprits s'échauffent et vibrent à l'unisson du rythme de la mécanique.
Il faut que le corps exulte et son plaisir trouve l'accord avec le décor. On touille là où ça mouille !
Les secouristes ont eu bien de la peine à accomplir leur tâche. Il n'est pas dans le protocole habituel des pompiers ou des SAMU de mener à bien leur travail équipés de sacs-poubelle...
Certains des intervenants ont même dû être dévoués à soutenir et secourir leurs collègues paralysés par la nausée. Tout le monde n'a pas, en pique-nique, le même goût pour le carpaccio !
Si la femme avait pu rapidement être prise en charge et évacuée avec l'hélicoptère il en fut tout autrement des débris de son compagnon.
Il était éparpillé en morceaux épars au hasard d'un mélange hétéroclite de diverses pièces mécaniques, de carrosserie et des vestiges des glissières de sécurité. C'est un pick-up de la voirie qui est venue récolter l'inventaire en sacs-poubelle.
La femme, elle, avait eu la chance d'être projeté hors du véhicule par l'ouverture du pare-brise et d'atterrir à l'arrière du camion chargé de balles de foin qui encaissèrent le choc. Elle fut retrouvée entre la deuxième et troisième rangée des énormes balles rangées à l'arrière du camion.
La douceur de l'herbe tendre, chantée par les poètes en odes dédiées à l'amour, ici concentré de 2 ha sur un seul plateau, a pu sauver son corps.
Le maquillage façon pizza ne sied pas à tout le monde.
Elle n'en souffrait pas moins de multiples contusions, quelques fractures, surtout les jambes, faciles à réduire mais aucune ne remettant en cause son processus vital...On vit encore très bien avec un seul rein et demi foi.
Le coma atténuait ses souffrances et devait la maintenir en léthargie pendant plusieurs mois. Il faut un certain recul, en rêve, pour pouvoir se représenter à la lumière.
On la voit aujourd'hui, elle sait encore accomplir un des gestes essentiels : celui de les ouvrir.
. ... Et de quelques apéros, en nombreuses chopes... Au cours de nos rencontres dans ce café : la suite...
Cette collision restera pour longtemps dans les annales de la sécurité routière.
Tout comme restera pour longtemps en archives des services hospitaliers les multiples opérations qu'a dû subir la femme afin de réapparaître à la vie civile après 18 mois d'hospitalisation.
Ils s'étaient engagé, en compétition rivale a accomplir une gageure de restaurer ce corps, soit par goût de l'esthétisme, soit par appétit de la prouesse technique qui est propre à toutes les équipes de chirurgiens. Certains tenaient plus de la tendance de « Vénus Beauté Institut », d'autres du perfectionnisme des mécaniciens mais les divergences d'intérêt ne nuisent pas en ce cas à la réussite.
Le plus ludique au début de son séjour lorsqu'elle fut admise au bloc fut pour les hommes de l'art de démêler les morceaux du corps de son amant qu'elle conservait en bouche...
Les maxillaires étaient obstinément serrés en étau bloqué et profondément enferrés sur les chairs du pénis arraché au bas-ventre de son amant émasculé de l'anus jusqu'au nombril avec des parties de tout ce qui se trouve derrière. Amis de la boucherie et des triperies, salut !
La vitesse lors de l'impact explique la violence de ce traumatisme...
220 km heure, ça nous met le G à 19 ou 25 en quelques millisecondes...
Pour s'en être tiré aussi merveilleusement, il faudrait solliciter pour elle La Papauté qu'elle crée une nouvelle catégorie de miracle ! Chapitre Balistique.
Les seules séquelles pour elle sont aujourd'hui d'ordre neurologique et de l'âme.
Les fonctions du langage sont bloquées par les lésions des zones du cerveau tétanisées par le choc, elles sont encore écrasées et entassées en vrac. Il faudra bien du temps aux tissus des limbes pour se déployer et retrouver un début de cohérence.
Quant à la cécité, c'est plus d'ordre psychologique que réellement physiologique. C'est bien naturel de ne vouloir rien voir d'autre que son moi intérieur quand on est tellement broyé.
Son handicap moteur intermittent ne provient de rien d'autre que du réflexe de vouloir se faire dorloter, cajoler et prise en charge au plus près, de très près.
L'essentiel du désordre de son cerveau sera bien plus complexe à solutionner. Le mot le plus proche de la réalité pour décrire la situation, car toutes les sciences ne se sont pas encore cotisé pour apporter un résultat, est : "BORDEL INEXTRICABLE."
Elle en a pour vraisemblablement très longtemps à rester enfermé sur l'obsession réduite à sa plus simple expression de son amant.
Elle ne peut, à ce jour, recouvrez un tant soi peu la vision et l'usage de la parole que lorsque ces parties altérées du cerveau sont soumises en vibrations aux forces des telluriques et célestes plaisirs et de l'interaction chimique de quelques hormones avec la dopamine.
La durée de cette rémission magnifique est variable, elle-même dépendante de l'environnement, des circonstances, de l'écoute qu'elle peut obtenir et aussi de son état général.
Mais est-ce à cet instant vraiment dramatique, que cette automédication originale, instinctive, affective ne soit pas remplacée en thérapeutique, soit par la chimie, ni la chirurgie ?
Ceci replace le centre du corps en son lieu géométrique naturel et le noeud crucial de tout L'Être en cet endroit de magie mystérieuse.
... À suivre...
À Saint-Médard, août et septembre 2002.
Extraits de : CANICULE.
Premier recueil par : Serge Playe