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Proposée le 10/09/2013 par Pierre Degand
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Vous avez posé le pied gauche sur la baguette de laiton qui marque le seuil de votre chambre et sépare, tout en les joignant, l'épaisse moquette de pure laine grège qui en recouvre le sol, du balatum du couloir, marqué de traces noires, que la direction de l'hôtel ferait bien de remplacer prochainement. Vous venez de faire connaissance avec l'homme, Mario, dont maintenant les chaussures à semelle de cuir, derrière vous, très proches, frappent le sol avec un claquement sec qui vous rappelle le fouet sur la croupe du cheval, quand, il n'y a pas une décennie de cela, votre tante vous emmenait au cirque.
Vous prenez alors conscience que, franchissant avec lui le seuil de votre chambre, vous vous livrez à lui, comme il se livre à vous, pour écrire avec lui un nouveau chapitre dans l'histoire de votre vie, non sans nourrir le fol espoir de finir avec lui ce livre à vous si cher dont vous lui avez si longuement exposé le projet ce soir. Pressée par ses questions, vous lui avez parlé de votre vie amoureuse, acculée à lui donner plus de détails que vous n'auriez voulu, fouillant avec lui dans les replis de la mémoire de votre corps, poussée par un besoin confus de vous confier à lui. Vous avez accepté le jeu qu'il vous a proposé.
Votre main droite introduit la carte magnétique dans l'interrupteur général et votre chambre toute entière s'illumine. La porte refermée, vous lui dites de se déshabiller entièrement et de s'allonger sur lit où vous le rejoignez après vous être dépouillée d'une main fiévreuse des vêtements que vous portez depuis le matin, lourds des relents du long voyage en train mêlées aux effluves de votre propre corps. Vous refermez le ciseau de ses jambes sur son sexe et son corps entièrement épilé vous a paru dans le plissé du drap tel celui d'Eros désarmé. Vos mains courent sur le torse imberbe, vos dents mordillent les pointes de ses mamelons qui peu à peu durcissent, poussés par l'envie que vous sentez monter en lui. Vous lui donnez vos deux seins à caresser de ses mains d'artiste, dont les doigts jouent en vous les gammes des sensations que vous espérez.
A cheval sur sa poitrine, les mains appuyées au mur, juste sous le tableau représentant une carte météorologique sous laquelle se dessinent - vous les identifiez enfin - en filigrane les corps tête-bêche de Tania Young et Isabelle Martinet dénudées, les isobarres de deux anticyclones centrées sur le noir delta au sommet de leurs cuisses, et dont la légende « Perturbations aux Antipodes » vous fait sourire une fois encore, vous approchez de sa bouche avide votre sexe affamé et sa langue déclenche enfin l'ouragan qui couvre votre corps d'une sueur tropicale. Secoué d'une ultime bourrasque, votre corps s'abat à la renverse sur lit que Mario quitte, la vergue fière, vous laissant vous retrouver vous-même dans l'enchevêtrement agité de vos sens assouvis.
Vous fermez lentement les yeux et doucement vous vous assoupissez. Vous sentez la main de Mario sur votre cheville droite l'amener à toucher votre fesse, vous obligeant à plier votre genou qu'un, puis deux, puis trois, puis quatre passages peu serrés d'une corde en coton au dessus de la cheville et du pli de l'aine maintiennent en un angle très fermé. Quatre nouveaux passages de cordes à mi-jambe pressent ensuite votre mollet contre votre cuisse. Une dernière quarte au dessous du genou complète l'entrave. Vous avez choisi de ne pas ouvrir les yeux et de laisser agir les mains sur vos jambes, préférant écouter en vous les échos crescendo des ligatures. Votre jambe gauche est pliée et liée en symétrie, ornée de trois quartes jumelles. Les mains vous abandonnent, la manœuvre d'encordage est achevée.
Vous ouvrez les yeux sur votre corps modifié, gréé maintenant pour la croisière dont vous avez choisi la destination et fixé, en accord avec Mario, la route à travers l'océan de vos désirs. Mario plaque ses lèvres sur l'écoutille au bas des mâts de vos deux jambes et plonge sa langue dans la douce béance offerte. Bateau ivre de trop de bouillonnements vous tanguez et roulez sur les vagues de volupté que forme en vos tréfonds la langue hardie de Mario et qui vous emportent d'un coup dans la tempête d'une seconde extase impatiemment attendue.