Le chemin de Jacques : 15 - WNBR

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Proposée le 23/11/2012 par CAVAL

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Résumé : Jacques travaille pour une entreprise française qui l'envoie à l'étranger pour des séjours plus ou moins longs. Il est en Allemagne depuis plusieurs mois, où il a rencontré Evi, bisexuelle et naturiste. Ils ont passé des vacances naturistes et libertines avec un couple, Eveline et Boris, en Grèce.

15 WNBR

Le besoin de nudité d'Evi était basé sur deux axes diamétralement opposés, bien que parfois complémentaires.
D'une part elle voulait mener une vie libertine, sans barrière sexuelle, être totalement libre dans sa façon d'être. Plus le temps passait, plus elle était sans tabou. Elle était partante pour toutes les pratiques sexuelles qui lui étaient proposées. Dans les lieux libertins, les nouveaux jeux étaient nombreux et elle y participait joyeusement. Je la suivais, plus parce que je l'aimais que par véritable goût. J'aimais faire l'amour, avec elle, avec d'autres femmes, j'appréciais de la voir se faire baiser par des hommes, des femmes et de jouir sous mes yeux. Pourtant, certaines pratiques n'étaient pas toujours en corrélation avec mes attentes.
D'autre part, ce besoin de nudité, c'était le naturisme, activité à laquelle elle restait très attachée. Autant elle était capable des pires folies sexuelles dans un milieu libertin, autant elle était capable de la plus grande retenue et du respect des autres lorsqu'elle était sur une plage familiale ou dans une piscine ayant des plages horaires naturistes. Elle était alors heureuse de pouvoir se mettre nu, sans qu'il n'y eût rien de sexuel dans son attitude pour ne choquer personne. Elle semblait alors sans vice, presque pudique.

L'occasion pour elle de pouvoir se mettre nue dans un lieu insolite et où les corps sont couverts ne pouvait que l'attirer.
C'est donc dans cette recherche de la nudité et de la curiosité, qu'Evi voulut que nous participions à la World Naked Bike Ride qui avait lieu au mois de juin à Londres. j'avais entendu parler de genre de réunion sans pourtant m'y intéresser. Evi me dit :
- C'est une manifestation pacifique, imaginative et amusante contre la culture des voitures et la dépendance pétrolière.
- Ecologique en quelque sorte.
- Pas seulement, le message est bien plus profond.
- Que vient faire la nudité là-dedans ?
- Il faut défiler en pleine ville, nu à vélo. Sur le site Internet les organisateurs disent : « Une célébration de la bicyclette et aussi une célébration de la puissance et l'individualité du corps humain ». Ils expliquent qu'ainsi à vélo et nus, le symbole de la vulnérabilité du corps humain est encore plus flagrant.
Pour moi il s'agissait plus d'une manifestation exhibitionniste que d'un mouvement servant une cause juste. Aussi étais-je assez récalcitrant de devoir être nu dans un environnement urbain, même si j'accepte la nudité dans le cadre d'un environnement naturel ou dans celui de la sexualité débridée du libertinage.
Evi tenta de me persuader :
- Toi qui es devenu un naturiste convaincu, c'est dans la droite ligne de cette activité. C'est un geste militant pour que la nudité entre dans les villes et qu'elle s'impose. Si on agit, peut-être pourra-t-on aller nu faire ses courses, sans être inquiété et sans que personne ne s'en offusque.
- C'est vraiment utopique. Jamais on ne pourra déambuler en ville à poil sans terminer au poste de police.
- Et bien c'est l'occasion ou jamais, car à Londres, toutes les autorisations ont été obtenues.
- Qu'on soit nu à vélo, pourquoi pas, mais avec des voitures, des bus, des piétons partout habillés, c'est très étrange.
- Mais nous ne serons pas seuls, il y aura des milliers de participants et nous y retrouverons nos amis Evelyne et Boris.

Puisque nos amis seraient de la partie, je me laissais plier tout en pensant qu'il s'agissait plus d'un mouvement d'exhibitionnistes que de pures naturistes. Car il s'agissait bien de déambuler nu dans la capitale anglaise avec toute la population pour nous observer et nous regarder.

Aussi, lorsque nous retrouvâmes nos amis, je ne pus m'empêcher de leur poser des questions sur le but de cette manifestation à laquelle ils avaient déjà participé. Leurs réponses étaient claires et précises, comme s'ils étaient organisateurs de l'opération :
- Nous manifestons parce que les rues de nos grandes villes sont accaparées par les voitures, les motos, les scooters. Que ce soit en Angleterre, en Allemagne, en France ou en Espagne où le mouvement est né, la ville est devenue un lieu hostile, dangereux et pollué. On ne peu plus traverser une rue sans risquer de se faire renverser. Ce n'est pas normal. De plus les transports motorisés sont la première source de gaz à effet de serre, de danger et de nuisance en ville. Nous voulons que l'espace public soit de nouveau un lieu convivial et accueillant, un espace dédié aux personnes et aux rencontres, pas aux machines et à la vitesse. Notre slogan, c'est « Moins de pétrole = plus de vie ! »
- Mais pourquoi à bicyclette, pourquoi pas une marche ?
- Le vélo est un moyen de transport urbain efficace, écologique et convivial. C'est un symbole de liberté et un instrument concret de transformation sociale. Il ne consomme pas de pétrole, ne participe pas à la destruction de la planète et reste loin des enjeux financiers et guerriers liés aux énergies fossiles. Et tu te déplaces mieux en vélo et plus vite en ville, qu'à pied.
- Pourtant, en dans les grandes villes il y a les bus, les métros ou le tramway...
- Oui, mais là tu retombes dans le système économique. Et comme seule la rentabilité compte, il n'est pas adapté.
- Mais pourquoi manifester nus ?
- Parce que les cyclistes sont vulnérables dans le trafic automobile avec la puissance et la vitesse, comme s'ils étaient nus et sans défense. Nous montrons notre corps avec naturel, sans fausse pudeur pour simplement rappeler que nous sommes des êtres vivants et que nous voulons préserver notre environnement lui aussi vivant. Mais il ne s'agit pas d'indécence, car la nudité est souhaitée, mais elle n'est pas imposée !
- Cela veut-il dire que certains manifestants seront habillés.
- C'est une minorité. Enfin, il y a bien certains hommes gardent un caleçon, des filles sont topless aussi en gardant leur culotte. Ils arrivent dans le but de se mettre nus, mais une fois au pied du mur, ils n'osent pas franchir le pas. La plupart des corps sont décorés de peintures corporelles, parfois tellement élaborées qu'on pourrait penser à un vêtement à même la peau. Mais, selon moi, il est préférable d'être totalement nu, le corps décoré pourquoi pas, mais pas trop... Pour un fois qu'on peu traverser la ville dans le plus simple appareil avec l'aval des autorités.
- Et puis, renchérie Evi, être nu est une bonne chose pour promouvoir notre mouvement, montrer que le naturisme est étroitement lié à l'écologie. Ce n'est qu'en étant nu dans les villes qu'on pourra faire changer les choses, faire bouger les lignes. Il faudrait qu'on puisse être nu dans tous les parcs des villes sans que cela pose le moindre problème et non pas seulement en s'éloignant des allées.
- Encore en Allemagne, reprit Boris, on n'a pas à se plaindre. Mais la nudité est beaucoup plus réprimée en France par exemple. En 2007 lorsque la World Naked Bike Ride a eu lieu à Paris, la préfecture avait autorisé de manifester, de faire cette manifestation de cyclistes nus, mais personne ne devait être nu. Finalement, des manifestants ont été arrêtés par la police.
- C'est désolant pour la France. C'est un mouvement mondial, comme son nom l'indique la WNBR a lieu partout en Europe, mais aussi au Canada, aux USA, en Australie, en Nouvelle-Zélande...
- Et donc, en France, demandais-je, il n'y a pas eu de nouvelle tentative ?
- Non, c'est trop risqué.



Le départ est prévu à 15 heures à Hyde Park, nous y sommes une heure avant, histoire de se mettre dans l'ambiance. Il y a déjà beaucoup de monde avec les cyclistes voulant participer à cette « cyclonudiste ». Il y a aussi des spectateurs sans vélo, certains simplement curieux de voir cette manifestation étrange se mettre en marche. Mais il y a également des voyeurs, voulant se rincer l'œil. On les repère facilement en les voyant aller, venir, repasser, le regard en coin et toujours en dessous de la ceinture.
La police patrouille discrètement dans les allées du parc. A un moment, un boby demande si nous voulons qu'il écarte les voyeurs qui commencent à être assez nombreux et agaçants. Nous le remercions et quelques instants plus tard, l'air est beaucoup plus respirable, l'endroit débarrassé de ces gêneurs, nous nous retrouvons entre nudistes.

Les participants commencent à se déshabiller et certains à s'enduire de peintures corporelles : parfois de véritables œuvres d'art éphémères. La plupart sont dans la tenue d'Adam ou d'Eve, d'autre gardent une jupette ou un short, d'autres encore n'osent pas se mettre nus. Mais comme on me l'a dit, il n'y a aucune obligation.
Beaucoup de ces personnes viennent d'Angleterre bien sûr, mais aussi de beaucoup d'autres pays :
- Moi c'est Dario, je suis Italien.
- Nous, on est venu de Belgique, rien que pour ça.
Un mec homosexuel dit :
- Moi je fais la WNBR en roller. Il y en a un qui s'est étalé l'année dernière, mais j'ai avec moi mon copain, au cas où, je peux me rattraper sur lui. Parce que c'est assez long et parfois le sol est bien, mais d'autres fois c'est plus dur de rouler.
- Dire qu'en 2003, me dit un Français, ils sont partis à quatre pour faire un tour de Hyde Park et qu'aujourd'hui il y a une multitude de personnes.

J'aperçois, Zita, une journaliste française avec un caméraman. Elle enregistre une émission pour TF1 où elle se met en immersion. Là, il s'agit d'un sujet sur la communauté naturiste. Elle est un peu tendue, mais elle finit de se déshabiller comme tous ceux qui sont là et elle défilera ainsi à Londres. Selon moi, ce n'est pas la première fois qu'elle faisait du nudisme et ses minauderies n'étaient qu'un jeu devant la caméra. L'équipe qui est là pour la suivre reste quant à elle habillée.
- Je ne suis pas là pour juger, l'entends-je dire, mais pour comprendre. Je me mets dans la peau des gens que j'interviewe, pour voir la vie à travers leurs yeux. Mon rôle est de donner à voir et à vivre une info accessible, vécue de l'intérieur, à travers des sujets de société qui nous concernent tous.
Finalement l'émission passera sur M6 au mois de juillet 2012.

Nous nous dénudons nous aussi.
- On enlève tout, me glissa Evi avec une sorte de délectation.
En étant complètement nue, elle a le désir de s'exhiber. Partage-t-elle vraiment l'idée militante de la WNBR ? Nous nous laissons enduire le corps de quelques peintures. Ainsi on a l'impression d'être un peu moins nu, comme si un voile nous couvrait. Comme Evi ne veut pas trop dissimuler son corps, elle limite la décoration au minimum avec une fleur sur chaque jambe et un rond coloré sur le ventre, laissant au naturel ses beaux seins et la chatte finement poilue et bien taillée. Maintenant nous sommes nus, le corps peinturluré avec nos vélos à la main attendant le moment du départ.

La police ouvre le défilé, mais elle reste très discrète, puisqu'il n'y a qu'une voiture au départ avec seulement deux policiers pendant toute la manifestation. L'organisateur, Jesse, nous a précisé que toutes les autorisations ont été obtenues et que les autorités acceptent cette manifestation de personnes nues dans la capitale. Quant aux forces de l'ordre, si elles sont réduites au strict minimum, c'est dû à des restrictions budgétaires et peut-être aussi parce que nous ne présentons pas une menace pour l'Etat.

A la sortie de Hyde Park, nous croisons les horse guards de sa « très gracieuse Majesté ». On doit les laisser passer, une cavalière (habillée) de la police montée faisant la circulation. Le contraste est saisissant entre cette rigueur toute Britannique dans son conservatisme et la tolérance dont sait se montrer capable l'Angleterre en matière de nudité. Pourtant, la vieille dame d'outre-manche est réputée pour sa pudibonderie. On peut toutefois y trouver une libéralité beaucoup plus importante qu'en France, où la loi est encore trop floue.

Sur tout le parcours, se trouvent de nombreux spectateurs. Certains sont là par hasard, d'autres veulent voir cette horde de nudiste. Il y a de nombreux appareils photos et caméra qui immortalisent l'événement qui sera retransmis par certaines chaînes et par Internet. Ce public mi-surpris, mi-amusé est toujours très enthousiaste. Je ne vois pas de personne choquée, au plus, elles sont médusées. On est acclamé partout. A ceux qui nous demandent la cause de cette manifestation, nous répondons :
- For bike in the city.
- Oh ! It's funny !

Il parait que nous sommes environ 1 100 personnes, nues pour la plupart, dans les rues de Londres sans aucune forces de l'ordre pour nous accompagner, ni même pour bloquer les carrefours. Ce travail est laissé aux « stewards », les personnes missionnées par l'organisation de la World Naked Bike Ride. S'en est suivi une grande pagaille lorsque les participants obstruent toute une avenue : la couleur de la peau dominant sur celle du bitume.
Nous sommes naturellement passés sur le fameux Tower Bridge qui enjambe la Tamise.

Finalement, de se mettre nu en public et de défiler devant des spectateurs, qui eux étaient habillés ne m'a pas dérangé véritablement. La gêne ce ne fut qu'au départ, lorsque les voyeurs circulaient parmi nous et devenaient parfois trop pressant.
- Tu vois, me dit Evi, partout on nous acclamait. Il y avait plus d'enthousiasme que de côtés négatifs bien que nous soyons nus. C'est très épanouissant et rassurant pour l'évolution et l'acceptation de la nudité dans la société.
- C'est vrai que c'est super de pouvoir être nu quelque part sans qu'on nous dise que c'est répréhensible.
- Mais, dit Boris, nous n'en sommes pas à la possibilité de se balader nus dans n'importe quelle ville en dehors de ces manifestations.
- Ça viendra un jour mon amour, lui répondit Evelyne.
- J'aime le sexe, proclama Evi, j'aime faire l'amour. Mais j'aime aussi pouvoir être nue, libre, heureuse, sans que ce soit associé à la sexualité. Là à Londres, j'y étais pour le plaisir de pouvoir circuler nue dans un endroit où je ne le serais certainement jamais plus. Pas particulièrement pour me montrer nue et encore moins pour tirer un coup.

Je comprenais parfaitement Evi. Peut-être parce que j'avais finalement la même façon de penser qu'elle. Depuis notre rencontre elle était arrivée à modifier ma perception de la société et du rapport entre les hommes et les femmes.


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