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Proposée le 22/04/2011 par CAVALIER ROUGE
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- Bonjour Adrien. Je m'appelle Laure. Peut-être te souviens-tu de moi ? J'aimerais beaucoup te parler.
Je regardais avec étonnement cette jolie brune, souriante, épanouie, habillée avec goût qui m'abordait de façon aussi abrupte ce samedi après-midi, en pleine rue du centre ville. Je l'observais attentivement, cherchant dans son visage qui se prêtait avec amusement à mon examen, le trait dont j'aurais pu me souvenir. J'étais sur le point de donner ma langue au chat, mais si je ne reconnaissais pas la personne, le prénom évoquait des souvenirs relativement anciens bien que neutres. De la maternelle à la fin du primaire j'avais connu une fillette qui portait ce prénom, une gamine exubérante à laquelle, moi garçon timide, j'avais disputé avec acharnement la tête de notre classe.
- Laure Dupuis ? Tu'
- Mais oui, tu as toujours eu bonne mémoire. Évidemment j'ai changé, mais je suis heureuse que tu m'aies reconnue. Pourtant à l'époque nous étions plutôt concurrents qu'amis. Pendant des années j'ai fait des efforts pour te battre au classement et quand j'y parvenais j'étais fière. Cette émulation était formidable.
- Effectivement, c'est la raison de la résonance de ton prénom. Tu as vraiment changé et je ne t'aurais pas reconnue. C'est que tu es devenue une très belle jeune femme, si je peux me permettre un compliment.
- Merci. Alors accepterais-tu de me consacrer un peu de temps ?
- Mais bien volontiers. Asseyons-nous à cette terrasse. Puis-je t'offrir une boisson ?
Qu'avait à me dire cette attrayante créature ? Alors que j'avais suivi ma scolarité dans des établissements publics, collège puis lycée, ses parents l'avaient inscrite dans un établissement privé de bonne réputation, et depuis la fin de troisième je ne l'avais plus côtoyée, vue ou rencontrée en dehors des vacances. Toujours accompagnée de copines et entourée d'une cour de garçons, elle paraissait inaccessible au garçon gauche, mal à l'aise dans son corps en pleine croissance que j'étais alors. Mais à sa manière de provoquer un entretien, je retrouvais sa façon directe de s'adresser à son entourage.
- Compliment pour compliment, je trouve que tu es devenu un beau jeune homme. Cet uniforme et ton képi te vont à ravir. Tu es militaire et gradé ?
- Si c'est l'uniforme qui a attiré ton attention, profite vite de la vue, dans trois mois j'aurai fini mon service militaire. Après l'école d'officier de réserve j'ai été nommé sous-lieutenant. Mais toi-même que deviens-tu ?
Après le bac elle a préparé une licence et espère entrer dans l'enseignement au sortir de l'IUMP dans un an. Après quoi elle fondera un foyer avec le brave garçon qui voudra d'elle. Je l'ai connue plus directe en cour de récréation pour désigner le garçon qui lui plaisait. Je n'avais jamais été cet élu. Et je n'en avais pas souffert. Elle ne connaîtra aucune difficulté à trouver un mari.
- Et que feras-tu en quittant ce bel uniforme mon sous-lieutenant ? C'est dommage, il te va si bien.
- On dit « mon lieutenant ». Mais tu oublies ce titre. Il s'agit fort heureusement d'une situation provisoire. Appelle-moi Adrien ou je te dirai « mademoiselle »
J'ai été admis dans une école supérieure de commerce et je compte en sortir dans trois ans avec un diplôme intéressant pour entamer une carrière professionnelle. Et comme toi, j'espère rencontrer un jour la femme de ma vie pour fonder un foyer.
- Parce que tu es toujours célibataire ? Tu as une petite amie, une fiancée ? Non ? Alors, ne cherche plus, la femme de ta vie est devant toi. Tu es resté le bosseur, un vrai battant, mais tu as pris de l'assurance. Avec ou sans uniforme je trouve que tu feras un excellent parti. Je pose ma candidature.
J'en suis très flatté. Mais elle n'est pas sérieuse. Ou elle est fêlée ! Belle et rayonnante, elle ne peut pas être célibataire ou les garçons sont devenus fous ! Elle a certainement un ami ou un fiancé, un compagnon de lit comme le veut désormais la coutume étudiante, le contraire est inconcevable. Je sens le piège, je cherche du regard la caméra cachée et les complices qui vont surgir et s'esclaffer si je mords à l'hameçon.
Mais ses yeux ! Ciel, quelle comédienne, elle paraît sincère, attend une réponse. Pour moi l'attaque a été si étrange, si rapide, si inattendue, si invraisemblable. J'en suis abasourdi, je reste incrédule, incapable de trouver une réponse immédiate et adéquate. La proposition ne correspond pas à mes attentes. Je ne suis pas insensible aux charmes des jeunes filles, mais mon projet de mariage n'a rien d'actuel. Dans quatre ou cinq ans, pas avant, quand j'aurai de quoi entretenir une femme, j'aurai le temps d'y penser.
Si demain une belle fille me déclare qu'elle a envie de faire l'amour avec moi et que ce sera sans suite, je lui accorderai satisfaction, je saurai la caresser, exécuter selon ses désirs les figures du kamasoutra, je lécherai son minou jusqu'à l'extase, je n'oublierai aucune partie de son corps, je la masserai, je la prendrai, je lui donnerai son plaisir. Et comme convenu nous nous dirons au revoir ou adieu. Je veux bien rendre service et en tirer le plaisir réciproque. J'attends l'amatrice, mais je ne promets pas le mariage.
Enfin, l'occasion ne s'est jamais présentée, il est facile de fantasmer, le passage à l'acte n'est pas évident et il est aussi plus probable de prévoir une prudente retraite ou une fuite ! Mais prendre un engagement définitif aujourd'hui !
Laure est belle, troublante, mais quelle mouche l'a piquée, pourquoi se jette-t-elle à ma tête ? Si elle est sincère, si ce n'est pas une farce de mauvais goût, si elle ne s'est pas laissé influencer par le prestige de l'uniforme, pourquoi cette hâte soudaine ? Elle a toujours eu l'esprit de compétition; mais à bien examiner les choses, nous sommes pratiquement des inconnus. Je ne sais pas grand-chose d'elle, que peut-elle savoir de moi ? Elle n'a saisi que des apparences. Sans être Apollon, je suis physiquement convenable, c'est tout; à peine « amélioré » par la tenue. Les goûts, les valeurs, les aspirations, les caractères: que d'inconnues ! On ne s'engage pas à la légère pour une bonne bouille ou pour la cambrure d'un dos, pour l'arrondi d'une croupe ou pour des yeux bleus ou des cheveux bruns !
- Ma chère Laure, peut-être es-tu la femme de ma vie, tu es magnifique, si belle, je dirais trop belle pour moi. Je n'aurais sans doute jamais osé t'adresser une demande comme celle que tu me fais. Mais pour rien au monde, je ne voudrais perdre la chance que tu m'offres. Malgré tout, c'est une surprise si soudaine, si agréable aussi, que je te demande le temps d'y réfléchir. Avant de m'engager, je veux apprendre à te connaître, je veux que tu apprennes à me connaître. Tu es adorable, mais sommes-nous compatibles ? Tu dois avoir une longueur d'avance sur moi pour vouloir déjà me choisir comme le brave garçon qui voudra de toi. Je ne m'attendais pas à provoquer un coup de foudre.
- C'est exactement ça : Le coup de foudre. Je t'ai aperçu hier. Tu es le bel homme que j'attendais et je me suis souvenue du bon petit garçon sérieux et appliqué de l'école, j'ai constaté que tu étais toujours aussi volontaire et secrètement ambitieux, tes projets d'avenir me plaisent : Tu corresponds à mon idéal d'homme. Toute la nuit, j'ai rêvé de toi, j'ai donc décidé de me déclarer avant de te voir dans les bras d'une autre. Parfois il faut forcer le destin. Ca te fait sourire.
- Es-tu prête à vivre de longues absences ? Demain je repars en Allemagne pour terminer mon temps. Aussitôt après je vais vivre trois ans à plus de 300 kilomètres et je ne reviendrai dans la région que pour de courtes vacances, peut-être pour des stages en entreprise. Je suis extrêmement touché par ta « candidature » et tout disposé à donner la meilleure suite. Tu vois, j'en tremble et j'en bafouille. Ouf, pardonne-moi de ne pas sauter de joie, comme je le devrais.
- Je t'ai brusqué sans doute. Je n'en suis pas mécontente si tu t'en vas demain déjà. Maintenant tu sais : Au pays une fille va t'attendre, elle est amoureuse de toi. Si tu m'accordes une chance, je saurai patienter autant qu'il sera nécessaire.
- N'attends pas de moi une déclaration d'amour immédiate. Ce que je veux examiner, c'est si je peux m'engager à t'accorder une priorité quand j'aurai fini mes études. En contrepartie pourras-tu t'engager à me prévenir si tu renonces à moi au profit d'un autre. La vie réserve des surprises. Tu pourrais connaître un second coup de foudre.
- En attendant ta réponse, laisse moi t'embrasser pour ta franchise.
Sitôt dit, sitôt fait. J'ai à peine eu le temps de me lever pour recevoir sur chaque joue un gros baiser chargé d'émotion.
- Veux-tu te promener avec moi ?
Nous déambulons sur les trottoirs. Elle a pris ma main, balance nos bras avec malice, guette la surprise dans les yeux des passants, fière d'avoir apprivoisé son beau militaire. Je suis moi-même très fier de marcher entraîné par cette magnifique « conquête ». Le photomaton de la grande surface a immortalisé ce moment exceptionnel. Nous avons posé tête contre tête, tout sourire. Au sortir de la cabine, un baiser surprise sur les lèvres m'a remercié de ce souvenir heureux à partager. Étourdi, je saisis la douceur sucrée de son rouge à lèvres tandis qu'elle évalue du coin de l'oeil mon degré d'émotion.
Car ce traitement de choc me bouleverse de la pointe des pieds à la racine des cheveux, comme un tremblement de terre dont l'épicentre se situe à environ quatre-vingts centimètres du sol. Cette fille va me rendre fou, tous mes sens sont en alerte, mon sang bouillonne et va gonfler mon sexe qui se dresse au garde-à-vous. Je me fais violence, on ne se conduit pas ainsi à la première rencontre, je m'arrache à ce baiser. Laure aurait bien insisté, elle cache son dépit derrière un sourire forcé qui s'éclaire lorsque ses yeux se fixent sur la bosse dans mon pantalon. Son regard se plante dans le mien pour y lire mon trouble, pour s'assurer que mon calme est apparent et que derrière le masque d'indifférence se cache un homme, un faible homme, sensible à son charme, avec des réactions prévisibles de la chair. Je suis le frêle oiseau hypnotisé par son regard. Elle a trouvé mon talon d'Achille, elle vient de me mettre le feu. Elle est contente d'avoir pris le pouvoir en découvrant mon point sensible.
- Je t'enlève, veux-tu m'accompagner au centre thermal ? Ma voiture est là ! Nous aurons le choix, selon tes préférences entre patinage sur glace, piscine, bowling, cinéma, bain relaxant. Je commencerais par de la natation puis nous irions voir un film ? Cela te convient-il ?
Les parents sont fortunés. Laure roule en simple Peugeot 309, ma 4L d'occasion ferait pâle figure à côté. Nous passons en coup de vent chez elle. Elle en sort accompagnée de maman et de sa s'ur de dix-sept ans: je suis le spécimen rare et la famille doit savoir avec qui elle va se distraire. Quelques phrases aimables et des sourires entendus approuvent son choix : Je serai toujours le bien venu etc.?Un bond chez mes parents pour me munir du nécessaire.
J'attends au bord du bassin. Qu'elle est belle dans son maillot deux pièces. Je comprends ce choix de la piscine. Dès le premier jour elle a décidé de frapper un grand coup. Comment pourrai-je oublier ce corps parfait, ni sculptural ni maigre, ses formes marquées, ses seins prêts à s'évader des bonnets, sa taille fine destinée à mettre en évidence ses hanches affirmées ou les longs fuseaux de ses cuisses parfaites ? C'est Vénus entrant au bain et m'invitant à la rejoindre. Avec une particularité toutefois, elle a oublié de rentrer une cordelette blanche dans le bas du maillot de bain; j'ai une s'ur, je sais ce que c'est. Un mot glissé à l'oreille lui permet de rectifier la tenue. Comment résister à la tentation ? Hormis le mariage, elle peut tout exiger de moi. Je baiserai ses pieds, je frôlerai ses jambes, j'éprouverai la douceur de l'intérieur de ses cuisses, je ferai s'épanouir son sexe, j'y abreuverai ma soif, sucerai sa crête sensible, je fouillerai...Stop !? Qu'ai-je à m'emballer aujourd'hui ?
Nous nageons côte à côte, elle s'amuse à frôler ma jambe de la sienne comme par inadvertance, disparaît sous l'eau, passe sous mon ventre et réapparaît de l'autre côté en m'éclaboussant dans un grand éclat de rire. Elle semble heureuse, vient contre moi, à la verticale, fait du sur place, lance ses bras autour de mon cou et bat des pieds. Ma conquête : Non, je suis la sienne. Elle rit, me fixe dans les yeux pendant que son corps quasi nu entre en contact avec le mien couvert d'un simple maillot. Un de ses bras a relâché mon cou, sa main explore mes pectoraux en une caresse tendre. Heureusement, elle n'ose pas vérifier plus bas l'effet de son contact sur ma virilité. Point n'est besoin, elle sait et se contente de me voler un rapide baiser sur la bouche avant de disparaître dans une gerbe d'eau.
Deux bodybuilders en démonstration devant la gente féminine de la piscine et sans doute en quête d'une bonne fortune l'entourent et la font dévier vers un coin du bassin. Leur intention est claire, ils vont la coincer et marchander sa liberté. Une nouvelle fois elle plonge sous l'eau et leur échappe, réapparaît en criant mon prénom pour se précipiter dans mes bras. Les deux types penauds devront changer de cible.
- Alors, tu aimes ? On est bien ici. Je suis si bien avec toi. Tu vas me manquer. Quand auras-tu ta prochaine permission ? Un petit bisou ?
Pourquoi demande-t-elle si elle n'attend pas la réponse ? Pourquoi dit-elle « petit bisou » pour dépeindre ce baiser passionné aux effets dévastateurs sous la ceinture. Ce corps magnifique dont les jambes s'agitent contre les miennes pour demeurer tête hors de l'eau agit sur moi comme un révélateur. Rien à voir avec des érections matinales, je ne sors pas d'un rêve érotique, j'en vis un, grandeur nature. Il y a quelques heures j'ignorais tout d'elle; je suis en train de rattraper mon retard. Ma vue et mon toucher ont été mis à contribution et mon c'ur bat à vitesse accélérée. Il faut le constater, je n'ai pas pris la fuite.
- Si tu veux m'emmener au cinéma, tu devras te tenir à distance, sinon je ne pourrai pas sortir de l'eau.
Elle est satisfaite, pouffe de rire et soulève une nouvelle gerbe d'eau qui se déplace en rond autour de moi.
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Moi, le taciturne, comment suis-je capable de faire sauter de joie à mon bras cette vive jeune fille ? Elle extériorise son plaisir par des bonds de cabri et des éclats de rire entre deux baisers. Je suis débordé, heureux de me laisser faire, pas mécontent d'être mené plus que meneur, étonné quand même de l'enthousiasme communicatif de ma compagne. Je suis sa chose, sa conquête, elle m'exhibe, rit fort pour attirer l'attention et les regards. Je joue le jeu, parade comme un paon puisqu'elle y prend plaisir, ris de ses facéties et reçois avec de plus en plus de plaisir ses marques d'affection. Dans quoi me suis-je embarqué ?
Petit bisou pour ci, petit bisou pour ça, halte face à face, sur place debout pour petit bisou dans le cou, sur les yeux, sur le bout du nez, sur le menton avec aboutissement invariable sur la bouche. Et toujours ce regard à la fois curieux de mes réactions et satisfait de me voir progresser dans ce jeu de séduction. Pour elle je suis l'enjeu. Mais à me laisser faire, je sens qu'elle manie une lame à double tranchant. Laure elle-même se donne autant qu'elle prend. C'est comme un piège se refermant sur nous, un piège aux mâchoires de velours. Nous le sentons et nous l'aimons. Nous sommes maintenant deux prisonniers volontaires d'un jeu de plus en plus sérieux et de plus en plus envoûtant.
Laure a choisi nos places à l'écart des quelques spectateurs, au dernier rang de ce balcon. La lumière s'est éteinte.
- Adrien, ça va, tu es bien installé ? Tu vois bien l'écran, Adrien ? Adrien, tu es content ? Tu es heureux d'être près de moi, Adrien ?
De banalité en banalité, elle a pris ma main, elle a penché sa tête, parfumée au sortir de l'eau chlorée d'un parfum doux mais frais, elle a levé les yeux à la recherche des miens, a baisé ma main, a relevé ses yeux, a murmuré un timide, tout timide, tout premier « je t'aime Adrien » et s'est retrouvée assise sur mes genoux, bras enserrant ma tête et lèvres collées aux miennes. Elle est très démonstrative. Depuis quelques minutes j'avais été sevré de petits bisous. Mais cette fois dans la pénombre, j'apprends ce qu'est un vrai baiser rythmé par la musique sirupeuse du film. Assurément elle possède un savoir faire bien supérieur au mien. Entre deux prises d'air rapides nous restons bouches cousues l'une à l'autre. J'essaie de l'imiter afin de ne pas paraître trop inexpérimenté.
Elle avait atterri en amazone sur mes jambes. Pour m'embrasser elle vrille son torse, j'ai une main dans sa permanente et l'autre dans son dos, un doigt sur le lien du soutien-gorge: je veux assurer son équilibre mais aussi lui montrer mon désir de participer au partage du plaisir. Comme une anguille elle échappe à l'étreinte et se retrouve à califourchon sur mes cuisses, pose ses mains sur mes oreilles et reprend possession de mes lèvres avec une ardeur renouvelée, dos tourné à l'écran.
Dans ma tête un ange souffle « ça ne se fait pas le premier jour » et un démon me susurre « carpe diem ». C'est trop bon, je cède au petit diable. Laure a senti tomber mes résistances, elle pousse son avantage, bloque ma tête, entrouvre ses lèvres et envoie juste entre les miennes la pointe d'une langue habile. Ça chatouille, je cède un passage, la pointe est passée, le reste suit. C'est encore une première. Langue contre langue, dans ma bouche envahie, se livre un délicieux combat. Ma langue tente de limiter l'invasion, la sienne se glisse entre dents et joues, visite l'intérieur de mes lèvres, déclenche des frissons, pousse contre la mienne, se glisse dessous, dessus, part à l'assaut de mes amygdales, en mouvement perpétuel. Je me révolte, résiste, lutte avec rage, repousse sa langue, la poursuit jusque dans sa bouche et m'y livre aux investigations apprises la minute précédente, je goûte à sa salive, m'en enivre à mon tour. Mes mains ont glissé de son dos, saisissent involontairement des chairs douces, j'englobe ses seins, les malaxe longuement, avant de me rendre compte que je suis en train de faire ce « qui ne se fait pas le premier jour ». A l'ange c'est Laure qui répond « C'est bon, n'arrête pas »
Elle doit avoir décidé d'emporter la décision dès le premier jour. Avec habileté elle a fait sauter les boutons de sa blouse, dégagé ses deux seins et les a livrés à mes mains impatientes. Le baiser est interrompu pour me donner librement accès à sa poitrine. Suis-je trop lent ? Sa main saisit ma nuque, tire ma tête, guide mes lèvres sur un sein. Je suis le nourrisson, roule entre mes lèvres la pointe durcie du téton, je tète doucement. Laure étouffe un gémissement, appuie sur ma nuque. Elle a deux seins, je dois au deuxième le même hommage curieux. Cette mise en appétit me fait perdre tous mes complexes, ma succion assumée, je me rends compte du résultat de l'accumulation de découvertes et sensations: au bas de mon ventre, l'arc s'est tendu, la flèche veut s'évader.
Chéri, c'est si bon, dit la bouche brûlante à mon oreille. Laure m'apprend qu'à son grand désespoir, elle est réglée. La petite ficelle qui sortait du maillot m'avait renseigné. Mais si je permets ou si je veux, elle peut m'apporter un soulagement manuel ou oral. Je vous livre le contenu brut de périphrases prudentes destinées à suggérer plus qu'à affirmer, très bizarres en comparaison des actes auxquels nous nous livrons depuis le début du film. Je reprends goulûment la bouche et perfectionne avec conviction l'art du baiser. C'est bon et cela réduit au silence la tentatrice pleine de ressources. Il ne faut pas confondre silence et inaction, je l'apprends quand une main vient taquiner la révolution dans mon pantalon. Cette fois elle va causer des dégâts ! Je trouve enfin une once d'énergie pour réclamer de meilleures conditions pour un acte aussi important.
Pour qu'elle cède elle doit avoir entendu non un refus mais la promesse d'une rencontre future, en somme la réponse attendue depuis son dépôt de candidature. Battre le fer quand il est chaud, elle s'y entend. J'ai été bousculé par une tornade, j'y ai pris mon plaisir et oublié mes plans. Heureusement je suis sauvé par son indisponibilité temporaire. Elle accepte un repas du soir dans un restaurant qui va me coûter mes dernières économies, elle n'a pas besoin de le savoir. Je vais avoir au moins un mois devant moi pour remettre de l'ordre dans mes idées et renflouer mon porte monnaie à coup de restrictions des dépenses.
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Pendant le repas, nous nous regardons, nous échangeons nos vues sur le mariage, sur la fidélité dans un couple: en tout point elle partage mes idées. Que je ne m'inquiète pas, telle Pénélope elle attendra son Ulysse, et pour commencer elle va annuler toutes les sorties prévues pour m'attendre sagement. Je m'insurge, la fidélité est une disposition du c'ur, je serais malheureux de la priver de saines distractions ou de la fréquentation de ses amis. L'attente ne doit pas être un carême de quatre années. Elle devra continuer à vivre normalement, peut-être connaître des tentations et mesurer sa capacité de résistance. Je m'appliquerai la même règle si à ma prochaine permission je prends un engagement envers elle.
Je ne demande à personne de partager mes opinions. La fille qui ne sera pas d'accord passera son chemin. Je suis tombé sur la perle rare si j'en crois Laure. Nous nous quittons avec difficulté. Au départ demain après-midi j'irai l'embrasser une dernière fois, c'est promis.
Elle monte dans ma voiture pour m'embrasser hors de la vue de sa famille, à proximité de l'autoroute. Elle me redit son amour, son impatience de se donner entièrement à moi, son désir de se fiancer officiellement le plus rapidement possible. Il lui tarde de connaître ma décision. Je propose de faire demi-tour et de la déposer en ville. Elle préfère rentrer en marchant et en rêvant de nous. Un dernier baiser persuasif pour la route et va.
?
J'ai surpris Gérard, mon collègue sous-lieutenant, en lui racontant avec enthousiasme cette belle rencontre. Nous avons entrepris de préparer nos sections aux grandes man'uvres proches. Le jeudi je n'ai pas pu m'empêcher de lui montrer la lettre de déclaration enflammée postée le lundi matin par Laure. Spontanément le vendredi matin il m'a proposé d'assurer mon tour de permanence du week-end et m'a suggéré de demander une permission exceptionnelle de 48 heures. Le colonel m'a regardé avec un sourire entendu sans me demander de préciser le motif.
Dégagé de toutes mes obligations, dépanné financièrement par l'ami Gérard, je prends la route avec le fol espoir de créer une heureuse surprise à Laure. Ce vif désir de la retrouver est la preuve qu'elle s'impose à moi. J'ai besoin d'elle, j'ai besoin de l'équilibre apporté par son amour. L'attente due à ma vie d'étudiant sera assez longue pour vérifier l'authenticité de nos sentiments. Je sais que je serai fidèle à mon engagement et je n'ai aucune raison de douter de sa sincérité. Ma mère est surprise de me voir arriver pour le repas de midi, se réjouit d'apprendre que je viens rencontrer une jeune fille sérieuse. Mon père me glisse un gros billet, une larme à l'oeil et me souhaite bonne chance. Merde, me dit ma s'ur.
C'est une petite rue perpendiculaire à deux artères importantes. Devant le pavillon stationnent deux voitures à galeries de toit chargées et bâchées. Laure, je reconnais son allure décidée, ferme le coffre de sa Peugeot, fait un signe de la main à sa s'ur Aurélie, se dirige vers sa portière: elle se prépare à partir. J'appelle, elle s'arrête, se tourne dans ma direction, me voit. Elle n'accourt pas, se contente d'attendre, ne manifeste aucune joie pendant que je m'avance, mais se penche vers l'intérieur de la voiture et s'adresse à ses occupants. J'entends la dernière phrase
- Je vous demande cinq minutes.
Enfin elle fait trois ou quatre pas dans ma direction, dépose deux rapides bisous sur mes joues, penchée en avant, gardant la distance :
- Adrien, que fais-tu ici ? Tu ne devais pas venir avant trois ou quatre semaines. Tu aurais dû me prévenir : A quelques secondes près nous étions partis. J'ai organisé une sortie avec des copains, nous allons camper au lac de Madine, nous y passerons la nuit et reviendrons demain après-midi. J'ai fait les réservations, tout prévu sur place pour les repas et les loisirs : Voile et jeux. Je suis désolée, mais que faire ? Je ne peux pas laisser tomber les amis. Tu comprends ? Seras-tu encore ici demain entre 16 et 17 heures ?
- Hé ! Laure, on va prendre du retard, crie un des occupants du premier véhicule.
Les cinq minutes généreusement accordées leur paraissent trop longues. Je gêne les autres, Laure est gênée. Je vaux cinq minutes.
- Oui, j'arrive. Tu vois, tout est minuté. Je te dirais bien de nous suivre. Mais tu n'as rien prévu, ni tente, ni nécessaire de toilette, ni vêtements de détente. Pfff. Vraiment, mon pauvre Adrien, je regrette. Tu m'as bien recommandé de vivre normalement.
- Laure, dépêche-toi crie une voix de fille.
Dans la 309, à l'arrière un couple se bécote. Un jeune homme occupe le siège avant à côté de la place de la conductrice, penché pour voir l'importun. Beau gosse, athlétique, dans les vingt cinq ans. L'autre véhicule est également occupé par deux couples.
- Et puis nous n'avons que quatre tentes. Sinon Aurélie nous aurait accompagnés. Ah, tu voulais quelque chose ?
A son tour le passager avant se manifeste pour hâter le départ.
- J'ai reçu ta lettre, ça m'a donné envie de te voir. J'ai improvisé une permission et je suis arrivé sans avoir pu prévenir: excuse-moi d'avoir retardé votre départ. Tu m'avais fait une offre, je voulais te communiquer ma réponse de vive voix, avec des explications. Mais ce serait trop long. Amusez-vous bien.
- Tu pourrais au moins me dire si c'est oui ou non.
- Va, ils s'impatientent. Peut-être une autre fois.
Je recule vers ma voiture.
- Adrien, tu t'en vas sans m'embrasser ? A demain, si je réussis à revenir avant ton départ. Il faut que j'y aille. Allez vite, un bisou.
Chaste bisou expédié sur chaque joue. Il y a 8 jours, elle m'embrassait si fort. Sa lettre me promettait le paradis, une nuit d'amour sans fin. Je la regarde embarquer. Une main prend la mienne, c'est Aurélie, la petite s'ur.
- Elle est énervée. Les autres sont arrivés en retard, ils ont chargé en vitesse, se sont emmêlés les pinceaux, ont du défaire et refaire le chargement de la galerie. Marc et Sylvestre, les jumeaux, ont deux mains gauches. Leurs copines Léa et Marie leur trouvent des qualités inégalables. Faut pas se demander longtemps lesquelles. Ce n'est pas une raison pour te laisser tomber. Mais l'énervement ne justifie pas tout. Laure n'est pas dans un état normal. Excuse-la.
J'en ai gros sur le c'ur. Elle en a de bonnes, la petite s'ur. L'énervement a bon dos, en effet. Mais cette froideur ! Mais le peu d'insistance pour connaître la réponse à sa question ! C'est bien elle qui m'a accosté, qui a posé sa candidature pour une union, qui envisageait de tout annuler de ses activités et qui, là, ne m'a alloué que cinq minutes ou moins d'ailleurs. Sa conduite est incompréhensible. Elle s'est moquée de moi, elle ne m'aime pas.
- Adrien, je t'offre un café et un morceau de tarte aux cerises. C'est moi qui l'ai préparée. Tu as bien une minute, entre. Je te montrerai des photos de Laure. A sa place, je ne serais pas partie ou je t'aurais fait une place.
- Tu as entendu, ils n'ont que quatre tentes pour quatre couples.
- Ah ! Tu penses comme moi. C'est-ce que je lui ai dit. Elle m'a prétendu que les filles dormiraient ensemble. Tu parles ! Quatre tentes, quatre filles et quatre garçons. Oh ! Pardon, ça ne signifie pas que Laure va coucher avec Raymond. Et même, sous la même tente, ça ne signifie pas que?
Sa marche arrière pleine de délicatesse ne me convainc pas. A quoi bon se torturer les méninges. Laure m'a oublié, remplacé. Souvent femme varie, fol est qui s'y fie. Il faut être pris pour être appris. Le sort en est jeté. Mon c'ur est triste à mourir. Mais je m'en remettrai. La tarte est sans doute excellente, mais ne veut pas descendre, le café ne m'a jamais paru aussi amère. J'ai mal au ventre, envie de vomir, mes mains tremblent, mon front est couvert de toutes fines perles de sueur, les grosses gouttes s'écoulent dans ma nuque: je suis défait.
- Ta tarte est délicieuse, ton café parfait. Tu seras une bonne ménagère. Non, c'est vrai, ne rougis pas.
- Dis, c'est vrai que tu as embrassé ma s'ur ? Elle t'a trouvé divin. Elle était enchantée. Il paraît' c'était chaud. Et aujourd'hui, juste des tout petits bisous. Elle s'est gênée devant les autres ! Quelle idiote.
- Elle était énervée, c'est tout. Il faut que je m'en aille. Merci pour ton café, ta tarte et ton sourire. Je regrette, mais je ne serais pas de bonne compagnie.
- Tu reviendras ? Ta réponse, j'aimerais savoir si? Tu peux me dire, juste pour moi. Je serai muette.
Tu veux te fiancer avec Laure ?
- Je voulais. Mais je n'ai peut-être pas pris assez de temps pour la connaître. Que ferais-tu à ma place ?
- Et tu ne veux plus ? Je comprendrais. C'est dommage, tu aurais été mon beau-frère idéal. Je te trouve sympathique. Si tu me donnes ton adresse, je t'écrirai. Tu veux bien que je t'écrive ? Et tu pourras m'écrire, tu seras mon correspondant. Tu pourras m'écrire en allemand, j'ai besoin de me perfectionner. Le bac arrive et je ferai des progrès si j'étudie avec intérêt. Tu es bon en langue ? Oui, selon Laure, mais on ne sait jamais de quoi elle parle.
- Je me défends. Ta s'ur a mon adresse.
- Mais elle est jalouse et ne veut pas me la montrer. C'est absurde, hein ? Je note, s'il te plaît
On sonne à la porte.
- Ah ! Voilà mes parents. Reste, je vais leur raconter comment Laure t'a abandonné. Ça va chauffer. Mon père ne supporte pas Raymond. Il le traite de coucou parce qu'il couche avec des femmes mariées. Je vais ouvrir, reste assis.
Elle tire la porte, sans vraiment la fermer.
- Laure ! Tu es revenue ? Tu as oublié quelque chose, tes papiers, des disques pour la route, des préservatifs ?
- Dis, il est encore là ? J'ai eu peur. Tu as bien fait de le retenir. Tu as été sage ? Tu lui as offert quelque chose à boire et à manger. Oh ! La, la, la, la. Il est en colère ? Il doit m'en vouloir à mort. Mais qu'est-ce qui m'a pris !
C'est bien, j'allais te le voler. Allez, file le voir.
Elles sont dans l'entrée. Laure a vu ma voiture, sait que je suis présent et teste sa s'ur dans l'espoir de connaître mes dispositions, retarde soudain notre rencontre de peur d'apprendre ce qu'elle redoute.
- Ils m'ont tellement mise sur les nerfs. Mais je suis revenue. Tant pis pour l'horaire. Je veux savoir. M'aime-t-il ? Les autres se moquent de moi. En cours de route, Emilie a commencé.
- Un amour de huit jours; Laure tu as fait fort. Record battu, vive Laure ! Tu nous raconteras ce soir à la veillée, les aventures expéditives de Laure et de son beau militaire. Je veux tout savoir. Ce que vous avez fait, où, quand, comment, combien de fois, si tu en as fait le tour en si peu de temps. Il a dû te décevoir pour que tu le jettes comme une peau de citron pressé. Il t'a mal baisée ?
- Emilie si tu m'énerves on va aller au fossé.
- Tu m'apprendras comment on se débarrasse d'un gêneur. Gilles tu vas te méfier. Si tu ne me baises pas bien cette nuit, tu connaîtras le même sort. Le pauvre type avait l'air si déçu. Ho ! Sa tête quand tu es montée dans la voiture ! T'es vraiment vache avec les mecs.
Raymond, ce crétin a ajouté :
- Vrai, il était blanc de rage ou de déception. Un de moins. Celui-là, tu lui as réglé son compte vite fait, bien fait. Bravo. Tu ne le reverras plus, il avait pourtant fière allure avec son képi et ses barrettes d'officier. S'il n'a pas compris, l'armée française est mal barrée. Et il ne savait plus où se mettre.
Je leur ai demandé de se taire. Ils ont continué à rire. Ils m'ont assuré que si je l'avais vraiment aimé, je ne l'aurais pas traité comme un moins que rien.
- Même un chien ne s'abandonne pas aussi brutalement, a conclu Gilles. Sa visite t'embêtait à ce point ?
- J'aime quand tu sais décider, a dit Raymond. Tu ne le regretteras pas, je suis là. Tu aurais pu le tasser dans le coffre, on aurait rigolé? Il aurait pu dormir dans la voiture ton soupirant, pendant que je te faisais du bien sous la tente. Ah ! J'imagine la scène. Ton cocu à l'écoute, moi en train de limer et toi en train de crier ton orgasme. Il aurait vite compris. Tu n'aurais pas eu besoin de le chasser, il aurait déguerpi de lui-même. Ce soir je vais te faire ta fête, tu l'as mérité.
Aurélie se lâche avant de disparaître discrètement :
- Toujours les mêmes sujets de conversation, ça vole sous la ceinture. Pour une fois, ton Raymond a bien raison. Ton coucou a vu juste. Je l'approuve : Tu ne mérites pas de revoir Adrien, il est trop bien pour toi. Mais tu le regretteras. C'est autre chose que ton coureur de jupons. A propos, les filles devaient coucher par deux, avais-tu dit, et ton Raymond avait l'espoir de te faire l'amour dans le sac de couchage ? Tu t'es payé ma tête. C'est du propre.
- Chut, pas si fort, j'ai déjà assez gaffé. Leurs sarcasmes m'ont ramenée à la réalité. Ils ont mis en évidence mon manque de savoir vivre et surtout la cruauté de mon attitude. J'ai oublié l'organisation, j'ai doublé Marc, je me suis garée sur un trottoir. J'ai refilé tous les papiers à Sylvestre, je leur ai dit d'aller prendre nos places et d'attendre au camping. Et me voilà. Quelle bourrique je suis parfois. Tu crois qu'il m'aime assez et qu'il pourra me pardonner ? Où est-il ?
- Dans mon lit' il y serait très heureux. Par chance pour toi, j'ai été trop lente et il n'est pas amoureux de moi. Dommage, je l'aurais adoré. Il est au salon. Ça ira ? Tu retrouves tes esprits ? Tu as intérêt à te montrer gentille, très délicate. La partie n'est pas gagnée. Tu as été nulle, archi nulle.
- Adrien, mon amour. Tu es là ? Que je suis heureuse.
Elle me saute au cou, me donne ce baiser plein d'amour que j'espérais à mon arrivée. Elle me répète ce qu'elle a dit à sa s'ur et que j'ai entendu, en édulcorant beaucoup, me supplie de lui pardonner sa conduite, l'accueil indigne, son manque de tact. Les autres sont dans la voiture, à l'exception de Raymond rendu furieux par le demi-tour. A sa demande elle l'a déposé devant chez lui avec ses affaires. Tant mieux, il l'avait pressée de partir, lui avait fait perdre son sang froid et causer l'irréparable.
Je suis en droit d'être en colère. Sa main gauche tient mon cou, le caresse, l'index droit se promène sur ma poitrine, pointe mon c'ur, ses yeux implorent mon indulgence. Pour se rassurer et pour me convaincre elle utilise sa meilleure arme, un nouveau baiser. Elle est revenue, elle m'embrasse avec passion, longuement, yeux dans les yeux. Je fonds, retrouve l'envie de l'aimer. De la plus noire misère, je vire à la béatitude.
- Dis, Adrien, tu m'aimes encore, tu m'aimeras toujours, tu veux de moi ? Tu es venu me le dire, c'est ça ?? J'ai tout cassé ?? Tu as fait ce chemin pour me parler, je n'ai pas su t'écouter. Moi, je t'aime, je t'en prie, oublie. L'énervement dû au retard, la surprise de ton arrivée au moment du départ, les appels répétés des autres m'ont fait péter un plomb. Tu ne me réponds pas. Tu ne me veux plus ?
Effectivement, j'ai un problème. Ce Raymond coucou aurait-il pris place sous sa tente ? Mais comment lui en parler ? Et sans avoir la réponse à cette question, je ne peux pas décider de ma vie avec ou sans Laure.
- Tu es contrarié, je le sens. C'est normal. Donne-moi une chance de me racheter. Il y a une place libre dans l'auto, viens avec moi, passons ces vingt quatre heures ensemble. Ce sera merveilleux. Et tu me diras demain ou un autre jour si tu me veux comme fiancée. Je vais voler un pyjama de mon père, tu nageras dedans et il doit bien y avoir par là un vieux survêtement. On se débrouillera. D'accord ? Tu as une question ?
- Oui, où vais-je dormir ?
- Sous ma tente, bien entendu. Je ne te fais pas peur ? A moins que.
- A la place de Raymond ?
- Ah ! Je vois. Tu as imaginé que Raymond et moi allions partager la même tente parce qu'il était assis à côté de moi dans l'auto. Détrompe-toi, j'avais pour lui une intention particulière et je lui avais dit qu'il dormirait avec Sylvestre. Ça les faisait râler, mais c'était la règle, s'il voulait le pardon ! Tu dois me croire. Allez, viens, Emilie et Gilles vont s'impatienter. Une minute, je prends le nécessaire pour toi et on y va.
- Je te présente Emilie et son ami Gilles. C'est avec Gilles que tu passeras la nuit sous la tente. Attention, on démarre.
- Non, un instant. Je refuse ce n'est pas ce que tu m'as dit. Je ne suis pas Raymond, je ne dormirai pas avec Gilles. Je préfère descendre, trouve un autre bouche-trou.
- Mais il est mignon ton petit soldat. C'est Adrien ? Tu as raison, ne te laisse pas dominer. Mon gars, je suis coiffeuse, mais tu n'as pas un cheveu à couper. Ça ne fait rien, je propose de m'occuper de toi. Tu dors avec moi et Gilles dormira avec Laure. C'est mieux, on peut rouler ?
Emilie rit. Gilles se tait derrière moi. Laure a du mal à rester sérieuse. On se moque de moi.
- Pas question de ça, Emilie. Faisons exception à la règle, il restera avec moi.
- Ah ! Quand même, tu le traites mieux que Raymond. Gilles et moi te remercions. Nous voulions protester contre cette règle de scouts. Alors Adrien, tu es satisfait ? J'adore passer ma main sur ta brosse, tes cheveux sont doux au toucher. Mais il faudra une retouche, je vais te couper les pattes.
Ça sent le coup monté. On essaie de me faire croire que Raymond n'aurait pas eu ma place. Ce qui est certain, et ça me convient, je partagerai ma nuit avec Laure. Emilie est bavarde et curieuse. Elle a l'habitude de recevoir les confidences de ses clientes dans le salon de coiffure. Donc elle enchaîne:
- A propos, vous deux, ça marche, vous allez vous fiancer ? On fête l'événement ce soir ? Tu as prévu le champagne, Laure ?
- On verra, répond ma voisine. C'est à l'étude. Ne sois pas aussi pressée. Chaque chose en son temps.
- Ah ! Non, si vous n'êtes pas fiancés, vous ne pouvez pas dormir ensemble ! Gilles, dis quelque chose.
- Tu as raison, nous ne pouvons pas les laisser faire des bêtises. Si Laure refuse de se fiancer, elle ne peut pas coucher avec Adrien. Dans ce cas Adrien tu dois choisir. Ou bien tu décides Laure à se fiancer, ou bien tu couches avec moi, ou bien tu couches avec Emilie.
Nous sommes en voiture, il faut passer le temps. On parle pour parler. C'est un jeu. Je me contente de répondre que j'ai jusqu'au soir pour y penser. Mais qu'il ne me déplairait pas - je me tourne vers la fille de type alpin qui caresse mes cheveux - il ne me déplairait pas de t'entendre ronfler.
- Aïe !
Laure tient le volant de la main gauche et vient de me pincer la cuisse. Je suis le seul à ne pas rire. Sa prise de position vigoureuse m'a surpris. Feint-elle la jalousie ? Je saisis la main qui s'attarde sur ma jambe, la porte à ma bouche et y dépose un baiser.
- Comme il est touchant. Si je le pinçais, moi aussi ?
- Contente-toi de pincer Gilles.
- Je vois, Tu le pinces parce que tu en pinces pour lui. Jalouse. Cette fois tu es amoureuse, tu auras droit au diplôme. Adrien tu nous l'as transformée.
Je subodore des sous-entendus.
- Mais ce n'est pas tout. Laure va s'arrêter, Gilles va prendre la place d'Adrien et Adrien viendra à côté de moi: il faut que je le prépare à sa nuit de fiançailles. Viens, mon petit chéri, je vais te mettre à niveau. Je t'offre un cours gratuit de formation accélérée. Je vais te? Aïe !
Je n'ai rien vu. Je suppose que Gilles a imité Laure. Je me retourne malgré la ceinture de sécurité. Le garçon a trouvé le moyen de la faire taire, il l'embrasse avec avidité et a envoyé sa main droite sous la jupe, entre ses cuisses. Enfin un peu de silence. Laure est absorbée par sa conduite, nous traversons un village. J'ose une main sur sa jambe, le moteur a un hoquet et repart dans son ronronnement. Elle n'a pas protesté. Derrière ils sont occupés.
Je m'enhardis. Ma main descend au genou, l'enveloppe doucement, en fait le tour. Laure sourit ? Ma main remonte, cette fois sous le tissu, à pleine peau. Une peau toujours plus douce. Je la regarde. La caresse ne doit pas déplaire, elle feint de l'ignorer. Je redescends au genou, remonte, un peu plus haut. Du bout des doigts j'atteins une zone plus chaude, plus lisse. La conductrice se remet au fond de son siège et m'ouvre un passage plus large: c'est plus lisse, plus doux, plus chaud. Elle ne dit toujours rien. Quand je touche le tissu de la bande de soie, entre les deux cuisses, Laure se mord la lèvre inférieure, fixe la route, plisse les paupières.
- Oh ! Le coquin ! Il n'a pas besoin de leçon, il connaît déjà le mode d'emploi. Adrien, tu devrais avoir honte. Tire ta main, voyou, tu vas provoquer un accident. Tu nous mets en danger. Laure, tu es inconsciente ? C'est que tu te laisses faire sans crier. Ah ! Tu rougis, il te reste un peu de pudeur. Regarde la route.
Elle a rosi plus que rougi. Mais moi, je sens l'afflux de sang dans mon visage. J'ai brusquement retiré ma main, mais elle tient toujours le genou rond de Laure. Quelle peste, cette coiffeuse. Je venais d'arriver à une frontière jamais franchie, mon c'ur battait la chamade. J'allais peut-être oser appuyer, gratter doucement le tissu, chatouiller le fruit fendu sous la soie, explorer des contrées inconnues. Elle est intervenue au plus mauvais moment.
Je vais la haïr cette coupeuse de cheveux en quatre. Je me tourne pour lui faire une grimace. Elle ne la verra pas: les yeux refermés, bouche close par un nouveau baiser, cuisses écartées, culotte poussée sur un côté, dans le creux de l'aine, elle accueille sous une toison fournie au moins deux doigts en pleine frénésie de l'ami Gilles. La garce. Elle ne rougira pas, elle est toute rouge. Le spectacle me fascine. Mon immobilité alerte Laure:
- Regarde devant toi.
Ce disant, de sa droite libérée elle remonte ma main jusqu'à la soie, referme ses deux cuisses, me garde prisonnier. Nous sommes sur une ligne droite, elle lève le pied pour profiter le plus longtemps possible du contact. Elle jette un oeil et constate avec plaisir mon adhésion à la situation. Mon auriculaire est coquin. Malgré l'étroitesse de l'espace, il s'agite et reçoit sa récompense sous forme d'une trace d'humidité dans le tissu pressé. Au prochain virage à angle droit l'étau se desserre, j'attends qu'il se referme. Laure n'en est pas importunée, une nouvelle fois, elle recule les fesses vers le fond de son siège dans un mouvement destiné à raffermir la prise et à mieux maintenir la position. L'humidité augmente, va parfumer mes doigts. Dans mon dos, Emilie souffle de plus en plus fort. Gilles lui rappelle allègrement qu'il est son maître. Laure se venge de son intervention précédente:
- Emilie, retiens-toi. On va arriver. Reprends ton souffle, essaie d'être présentable. Tu devrais avoir honte en présence d'Adrien ! Que va-t-il penser de nous ? Allez, un peu de tenue, tu auras toute la journée et toute la nuit si tu veux.
- Oh ! La, la. Tu n'as pas toujours été aussi prude. Si Raymond'
La phrase reste en suspens. J'ai arraché ma main, je me suis retourné d'un bloc et j'attends la chute. Elle ne vient pas. Emilie se mord les lèvres, cherche une sortie, mon regard l'y oblige
- Oui, si Raymond était derrière avec moi, ça te ferait rire. Tu aurais des vues sur Gilles ?? Non, alors occupe-toi de ton beau soldat et fiche-moi la paix avec tes leçons de morale.
Pourquoi Laure rirait-elle si Raymond et Emilie ? Je m'y perds.
Laure tendait le dos, muette, dans l'attente de la catastrophe. Gilles pousse un profond soupir de soulagement et Emilie, heureuse d'avoir évité la grosse bourde, se fend d'un sourire large comme ça à mon intention. Nous arrivons à la barrière dans le silence. Personne n'a jugé bon de s'apesantir sur le sujet, je le sens. Je porte ma main gauche devant ma bouche, sous mes narines et hume pour la première fois l'odeur de l'intimité de Laure. Voilà un signe distinctif que je garderai en mémoire, je m'en imprègne. Laure a vu, Laure sait, sa chatte a laissé sur moi sa trace indélébile. Je suis marqué.
Tout au fond du camping, dans un coin, à l'abri d'une haie de thuyas, à l'emplacement choisi minutieusement et réservé par Laure, les occupants de la première voiture ont commencé à dresser deux tentes.
- Tu verras, mon lieutenant bien aimé, c'est un havre de tranquillité, éloigné de la foule, à l'abri des indiscrets. Qu'est-ce que tu penses de mon choix ? Tu sais dresser une tente ? Viens, je te présente aux quatre autres. Voici Sylvestre et Marc, les jumeaux: je les confonds toujours. La blonde c'est Marie, l'autre c'est Léa. Qui est avec qui ? Je crois que les filles se trompent également parfois de partenaire, c'est à mourir de rire !
Où est passé ton chéri ? demande le jumeau à mèche blonde sur la tempe droite.
J'ai l'oeil et je ne passerai pas vingt-quatre heures à me tromper. L'autre, Sylvestre, a une petite cicatrice sur la lèvre supérieure.
- Sylvestre tu as les papiers, tu as tout réglé à l'intendance ?
Sylvestre s'avance, tout est en ordre.
C'est Marc qui a posé la question restée sans réponse. Il s'obstine innocent ou sarcastique
- Sois le bienvenu. Tu es le remplaçant de Raymond ? Il va falloir nous aider. C'est lui qui montait les tentes d'habitude. Je te présente ma copine, Marie. Je sais, c'est difficile pour beaucoup. Ecoute, c'est tout simple: Marie est blonde, une vraie blonde, tu pourras vérifier et moi, Marc j'ai une mèche blonde. Méfie-toi, parce qu'il arrive que Sylvestre se teigne une mèche de la même couleur. Marie s'est déjà laissé prendre. Ce qui lui appartient m'appartient et vice versa. En général les filles trouvent ça génial.
Sylvestre fréquente Léa, quand elle ne se réfugie pas chez moi. C'est chouette hein.
Tout le monde s'esclaffe. Je suis tombé dans une bande d'échangistes. Ce n'est que pour vingt-quatre heures. Marie s'avance et me fait une bouche, Léa l'imite, mais après avoir reposé la lancinante question à sa façon:
- Alors tu remplaces Raymond dans la tente de Laure. Bienvenue, les amis de mes amis sont mes amis. Je t'embrasse et je me tiens à ton entière disposition. Quand Laure reprendra Raymond, viens me voir: tu me bottes !
Laure feint de n'avoir rien entendu, absorbée apparemment par la lecture des documents, Emilie fait des signes désespérés pour arrêter les questions embarrassantes et Gilles invite tout le monde à venir décharger notre véhicule.
A mon bras droit Léa me demande si je suis capitaine ou colonel, en se tordant, car derrière elle Marc lui tapote les fesses avec une brindille. Sylvestre a pris le bras de Laure attardée. Ca discute ferme, plusieurs fois, j'entends « Raymond ». Emilie vient se frotter sur ma gauche. Gilles, en tête, a passé son bras sur les épaules de Marie, laisse retomber sa main sur un sein le plus naturellement du monde au moment où il nous demande de nous presser. Marc s'est déporté et Emilie supporte en riant la brindille qui soulève
l'arrière de sa jupe.
- Hé, le nouveau, regarde quel beau cul elle a. Une pure merveille. Comment tu t'appelles ? Adrien, c'est original et rare, je n'en connais pas d'autre. Alors, tu regardes. Emilie avance plus vite, il ne peut rien voir.
- Tu m'embêtes.
Il l'attrape, la sépare de mon bras et traîne. Lui aussi veut savoir et de nouveau j'entends « Raymond » à plusieurs reprises. Léa ne voudrait pas être la seule à oublier l'absent.
- Ce Raymond, un dieu au plumard. Il m'a fait jouir comme une folle. Marie te dira la même chose, Emilie aussi. Mais Laure pourra t'en parler mieux que nous. Les dernies temps, ça allait moins bien entre eux, parce que le boucher avait menacé de lui tailler les oreilles. C'est marrant, non ? Je ne comprends pas, hier encore ils se? tu comprends ? Tu sais pourquoi il n'est pas venu ? C'est à cause de toi ? Ah ! Je suis indiscrète ?
- Non, continue, tu m'intéresses.
- On n'a rien contre toi, tu sais. Simplement tu es moins rigolo que lui. Mais, si t'as envie, je ne dirai pas non. Et j'ai observé Emilie : Attention elle ne te quitte pas des yeux.
- Allez la pipelette, rends moi mon homme. Adrien, que t'a-t-elle raconté ? Des bêtises, tout sûr. Ne crois pas tout ce qu'ils peuvent te dire, ils ou elles font le même coup pour chaque nouveau ou chaque nouvelle. C'est leur bizutage.
J'ai connu un bizutage à mon entrée en prépa, un autre à l'arrivée à l'école des officiers de réserve. C'était du pipi de chat à côté de ce que je viens de subir. J'ai le moral dans les chaussettes, une seule envie: foutre le camp au plus vite et ne plus jamais revenir.
- Tu en fais une tête. Tu n'es pas heureux d'être avec moi ? Cette idiote t'a parlé de Raymond ? Je vais lui mettre des claques.
- Pourquoi à elle plus qu'à tous les autres. Je n'entends que ce prénom: tu en parlais avec Sylvestre, Gilles avec Marie, Marc avec Emilie. C'est le grand sujet de conversation. Si tu m'en parlais, je pourrais avoir l'air moins idiot ?
- Bien, nous en parlerons quand nous serons installés. D'accord ? Au boulot. Tu peux porter ce sac ? Je prends celui-ci et on retourne à notre place. On va tourner nos entrées vers les leurs mais on s'approchera le plus possible de la haie.
Nous déballons, rangeons les piquets de sol, les deux petits mâts articulés, les cordes. L'emplacement a été entouré d'une butte dans le haut et sur les côtés, une rigole dirigera l'eau dans la pente en cas de pluie. Laure et moi sommes synchronisés. Nous pouvons aller chercher les tapis de sol et les sacs de couchage? Plutôt, le sac de couchage pour deux personnes, grâce à un croisement des fermetures. Encore un indice.
- Je te conseille de te changer. Ils vont continuer le bizutage et ton uniforme pourrait souffrir. Tu le plies soigneusement, tu l'emballes et nous le cachons dans le coffre avec ton képi. Tu enfiles ce survêt. Ici il vaut mieux porter une tenue décontractée. Excuse-moi de rire, mais je n'ai pas trouvé moins large. Viens, embrasse-moi? et promets-moi de ne pas te fâcher s'ils en profitent pour se moquer de toi. Les garçons surtout, ils sont un peu jaloux parce que les filles te font les yeux doux. Emilie te trouve si beau. Je t'arrache les yeux si tu lui fais la cour.
- Première bonne nouvelle. Si tu savais comme ils m'ont fait peur. Embrasse-moi encore. C'est vrai que tu étais trop gênée pour m'embrasser quand je suis arrivé ce matin ?
- Mais non, qui t'a dit ça ? Je t'ai embrassé.
- Tu demanderas à Aurélie, j'ai eu droit à deux petits bisous de politesse, comme une vague connaissance.
- Tu as vu que j'étais ennuyée, énervée. Viens plus près, je veux me faire pardonner.
Debout contre la 309, indifférents aux passants qui en ont vu d'autres, serrés l'un contre l'autre, nous échangeons un baiser magique, elle me rend courage et énergie, le moral remonte, au passage réveille le drapeau en berne. Laure le sent, me complimente et promet de me rendre bonheur et joie de vivre avant la nuit.
Les jumeaux sont toujours empêtrés dans les piquets, leurs tentes ne veulent pas connaître la verticale. Heureusement Gilles vole à leur secours. Au lieu de se faire réformer, ils auraient dû faire leur service, ils y auraient acquis un minimum de rigueur et sauraient se débrouiller pour des tâches aussi élémentaires. Je ne suis pas Raymond, qu'ils apprennent à se démerder. Alors s'ils me trouvent des airs de clown dans mon accoutrement, je ne m'en soucie guère.
- Tu as bien travaillé. Enfin un amour qui n'est pas manchot. Bande de bons à rien. Et tâchez de nous laisser en paix. Bizutage terminé. Nous allons nous promener seuls au bord du lac.
- OOOOOOOOOOOOOOhhhhhhhhhhhhhh, font les six autres.
En amoureux, main dans la main, dans le calme nous pouvons enfin nous expliquer entre deux baisers.
- Tu m'aimes un peu ? C'est sûr ?
- Si je n'étais pas un peu amoureux de toi, je serais en Allemagne.
- Tu es venu pour moi seulement ? Tu voulais me parler, m'expliquer. Je t'écouterai, il faut mettre les choses au clair. Je t'ai promis de te parler de Raymond. Je commence. J'ai 21 ans, je suis tombée folle amoureuse de toi. Mais j'avais déjà été amoureuse avant. Chaque fois j'ai été sincère et trois fois je me suis engagée à fond. Quand j'aime, c'est avec tout mon c'ur et tout mon corps. Deux fois des garçons qui prétendaient m'aimer m'ont utilisée pour s'amuser. Nous étions jeunes, j'étais naïve, je croyais au grand amour. Ils m'ont laissé tomber.
Sa tête repose contre mon épaule.
- Tu es bien, au moins ? Moi je voudrais passer ma vie comme ça. Déçue par mes deux premières expériences, j'ai juré qu'on ne m'y prendrait plus. Je ne sortais plus ou je sortais avec Emilie. Un jour, il y a un an, Gilles nous a présenté son pote Raymond. Celui-ci m'a fait la cour avec tact, s'est montré amoureux mais pas pressé, s'est dit prêt à m'attendre aussi longtemps que je ne serais pas disposée à lui appartenir. C'était le chevalier blanc. Il m'a promis le mariage, juré un amour éternel. Mais il aimait trop certaines femmes mariées. L'une de ses maîtresses, pour le garder, m'en a fourni la preuve. Le lendemain j'ai chassé Raymond.
- Pas trop loin ! Que faisait-il dans ta voiture ce matin ? Laissons tomber, il n'a plus d'importance à mes yeux, puisque tu as fait un choix. Tu m'as accueilli froidement. Je m'attendais à être serré dans tes bras, à être couvert de baisers, à être reçu au moins avec curiosité. Tu m'as déçu mais tu t'es rachetée, c'est l'essentiel.
- Je te demande encore pardon. Mais tu es là, seul avec moi. Quand j'ai annoncé mon intention de faire demi-tour pour aller te chercher, je n'avais pas prévu la réaction brutale de Raymond. Je pensais que nous pourrions louer ici une tente supplémentaire.
- Pour qui, pour lui ou pour moi ? De ma tente individuelle j'aurais pu entendre les soupirs de bonheur de votre réconciliation ?
- Il ne m'a pas laissé le temps de réfléchir ou de parler. Il m'a fait une terrible crise de jalousie, m'a jeté à la figure des horreurs et que de toute façon il n'avait jamais eu l'intention de m'épouser. Gilles et Emilie pourront confirmer. Il avait mieux à faire que la mise à l'épreuve à laquelle je voulais le soumettre. Sa décision de se retirer, m'a soulagée
- A deux dans le sac de couchage aménagé, il aurait fallu être héroïque pour résister à la tentation.
- Veux-tu la preuve de ma capacité d'être héroïque ? Je meurs d'envie de faire l'amour avec toi, mais si tu doutes de mon amour, il ne se passera rien entre nous.
- Je suis donc là aujourd'hui. Qu'attends-tu de moi ? Bouche trou du week-end ? Dans quelques semaines, Raymond se prosterne à tes pieds, un bouquet de roses rouges à la main, la larme à l'oeil, une bosse énorme dans le pantalon après une longue période d'abstinence, te propose un mariage après le délai légal de publication des bans: Que décides-tu ? Avant la fin de mon service militaire tu l'auras épousé ! Tu t'es moquée de moi il y a huit jours. Ta déclaration n'était pas sincère.
- Raymond est rayé de ma vie. Je t'aime, et toi m'aimes-tu ? Que venais-tu me dire ce matin ?
- Te souviens-tu de notre rencontre ? Tu m'as parlé de candidature, de femme de ma vie. Tu t'es fait désirer à la piscine, en me montrant ton corps magnifique, tout ce que tu me caches encore.
A ton avis, serais-je si peu sûr de trouver une femme que j'accepterais d'être ta roue de secours ? Ton enthousiasme m'avait convaincu, tu pouvais être mon épouse. Mais tu avais omis de me parler de Raymond. Te faudra-t-il toujours deux fers sur le feu ? Dans ce cas, nous pouvons nous oublier.
Ni Raymond, ni un autre. Toi, seulement toi.
- Pendant toute la semaine j'ai pensé à toi. Je suis arrivé à la conclusion que je pouvais m'engager à t'épouser si tu me voulais. J'ai pris une permission exceptionnelle pour te le dire, pour t'exposer mes projets, te promettre le mariage, mais à la fin de mes études, si tu acceptes d'attendre. C'était ton plan, souviens-toi. Et je t'avais prise au sérieux,
- Seigneur ! Tu acceptes ! C'est vrai; j'ai failli te perdre ce matin. Tu ne serais plus revenu ?
- Effectivement. Ah ! Si je devais subir une deuxième fois le choc de ce matin, te voir partir avec Raymond pour un week-end, je serais délié de ma promesse. Je ne suis pas jaloux de ton passé. Mais je ne supporterai plus que tu fréquentes ce type qui a proféré des horreurs.
- Ecoute ceci. J'avais prévu de déposer Raymond ici et de rentrer aussitôt à la maison, pour lui montrer combien il est désagréable d'être délaissé. Les autres étaient tous prévenus. Quand j'ai décidé de faire marche arrière, j'ai imaginé lui montrer que tu m'aimais, pour enfoncer le clou. La tente supplémentaire n'était pas pour toi ! Et si tu le voulais tu pouvais lui faire écouter un gentil concert.
- Concert devenu inutile. Aura-t-il lieu si cet auditeur nous manque ?
--Nous voici revenus à notre point de départ. Je t'invite sous ma tente. Ecoute glousser Léa. Jamais discrète, tu vas bientôt l'entendre pousser la chanson, facile à interpréter. Son plaisir ne peut pas être complet si elle ne l'annonce pas à la terre entière. Et elle démarre au quart de tour. Tu entends. Marc voudra faire aussi bien que son frère. Voilà, Marie se joint à Léa. Tu comprends pourquoi je dois choisir un endroit à l'écart ? Sans compter qu'Emilie va s'amuser à donner de la voix. C'est une farceuse, elle va les faire gémir de plus en plus fort en les imitant. Ca y est. C'est toujours comme ça, ne t'étonne pas.
Allongée à côté de moi sur le grand sac de couchage et sur le sac à viande de même taille, elle me dévore le museau.
- Regarde-moi. J'ai une certitude absolue, tu ne peux pas en douter: je te désire et ta main le vérifie.
- Approche, glisse ton bras gauche sous moi, serre-moi contre toi. Ferme bien la porte et tu verras. Mais, toi aussi, retire tes oripeaux. Tu es beau.
Elle le dit, me ferait remonter dans l'estime de moi. Et je ne vois rien de plus important à faire. J'y mets tout mon c'ur, tout mon savoir faire. J'adore, je
ne me force pas.
Sur ordre je noue les liens de la porte.
- Tu es si belle.
- Viens recevoir ta récompense mon brave guerrier.
Nous sommes tournés l'un vers l'autre, découvrant nos corps enfin dénudés, avec les yeux, avec les mains. Des mains en mouvement, des mains caresses, des mains douceur, curieuses, flatteuses. Yeux dans les yeux, nous laissons les contacts électriser notre peau, nos doigts visiter, toucher, palper et faire palpiter tout ce qui est à leur portée. Par-dessus tout j'adore la douce plénitude des seins, la dureté des tétons dont ma bouche a gardé un souvenir ému. Mais le meilleur, c'est ce regard qui captive le mien, dont je ne peux me détacher, lui-même prisonnier du mien, avec ces variations d'intensité au fur et à mesure que le toucher nous émeut lors de la découverte d'un frisson sur une hanche, du durcissement de mon téton entre deux doigts de Laure. Laure, Laure, je répète inlassablement ce prénom. Elle me dit chéri, amour, amour de ma vie. Je suis heureux. Je la sens heureuse.
Nous jouissons de ce bonheur calme et tranquille alors qu'Emilie vient de relancer les couinements, les miaulements, les cris d'amour. Le concours est reparti, Léa se dévoue, atteint bruyamment un sommet aigu, bat de loin la meilleure manifestation de Marie et déclenche le fou-rire. Le rire gras des garçons fait écho.
Soudain, sans raison, Laure se met à pleurer. Une femme nue, sous une tente, qui est secouée de sanglots, je n'ai jamais vu ça. Comment la calmer, comment la réconforter ? Je resserre mon étreinte, je presse ma poitrine contre ses seins, je sens sa jambe couvrir la mienne, j'ai chaud. A bout d'arguments, je fais « chutt, ne pleure pas, je t'aime, je suis là »
- Hé, là-dedans, ça va ? Laure que t'arrive-t-il ? Tu veux de l'aide ? Réponds ou veux-tu que j'entre ?
Le corps est toujours agité de tremblements répétés, de secousses incontrôlables, mais Laure se met à rire, doucement puis de plus en plus fort, les paroles qui suivent sont à peine compréhensibles:
- Merci, Emilie, je ris de bonheur. Va, utilisez le voilier loué.
- Ah ! Bon. Si tu le dis. Tu ne viens pas ?
Je me retrouve couché sur le dos, mains à hauteur des oreilles, sous le corps doux et chaud de Laure. Son visage éclatant de bonheur domine le mien, ses yeux lumineux me scrutent, se rapprochent, sa bouche s'ouvre sur la mienne, ses seins nus écrasent ma poitrine, une main m'a saisi. Mon gland se retrouve sur une surface humide et chaude qui se fend en deux. Pour la première fois de ma vie, de façon instinctive, je me sens glisser lentement, je pousse vers le haut, Laure s'offre, bouge son bassin sur mon sexe, me reçoit en elle, le regard noyé dans le mien. Elle s'immobilise, je suis englouti, dévoré, soumis à des contractions délicieuses.
- Tu es mon prisonnier pour la vie. Je suis sur toi, tu es pris, à moi pour toujours. Je t'aime. Tu m'appartiens. Essaie de te sauver si tu peux !
C'est merveilleux. Laure me rend fou de bonheur.
Parole imprudente. Elle se retrouve sous moi à peine la provocation prononcée. Elle est reprise par son fou-rire, me le transmet. Nous jouons comme des enfants, unis par la chair, comblés de nous être enfin compris. Ses cuisses m'encerclent, ses pieds viennent prendre appui dans mes reins. L'instinct guide mes mouvements. Je crois me relever, les pieds me font descendre, le vagin me rattrape et me dévore. Que c'est bon, mes oreilles bourdonnent, je plane, je vogue, je nage. Je guette sur le visage aimé les progrès du plaisir. Je mordille le lobe de son oreille, lui répète inlassablement mon amour
J'ai lu des récits érotiques, le kamasoutra entre autres, je connais la théorie, je débute la pratique. Mon amoureuse la possède et va me transmettre son savoir. Nous nous complétons.
- Ne bouge pas, reste au fond de moi. Tu me sens. Je suis si heureuse. Tu m'épouseras ?
Pour l'instant nous nous apprenons, nous prenons nos marques, nous observons les gestes et les mouvements les plus savoureux, nos corps font connaissance, nos peaux se collent, nos mains et nos doigts découvrent les points sensibles, nos sexes s'apprivoisent. Le temps coule, nos yeux ne se quittent pas. Malgré l'étroitesse de la tente nous varions les positions simples, sans esprit de concours, préoccupés uniquement du bien-être de l'autre, face à face.
Depuis un moment les bruits extérieurs se sont tus. Nos compagnons ont quitté les lieux. Ils ont des activités. Nous n'en avons qu'une. La meilleure selon moi. J'ai proposé à Laure de les suivre.
- Je suis trop bien avec toi. Et toi ?
Je lui ai fait sentir ma réponse en reprenant mon forage, avec plus d'intensité. Cette fois nous gravissons un à un les échelons du septième ciel. Les ongles enfoncés dans mes épaules en attestent et me gonflent de satisfaction. Les paupières de Laure se ferment sur son orgasme, je suis sur le point de la suivre, mais j'entends des chuchotements, des pas et des rires éteints par des « chutt »
Je m'arrache à l'étreinte, tire les deux pans du sac sur Laure frustrée et me love contre elle:
- Attention, quelqu'un vient.
La tente s'ouvre, quelqu'un a balancé un seau d'eau et s'enfuit au milieu des rires du groupe.
- Alors, on n'arrive plus à se détacher ? A la soupe, le resto va ouvrir, crie Léa. Les éclats de voix témoignent du plaisir pris à nous chahuter. Les indiscrets ont heureusement été retardés par l'ouverture de la porte. Sinon Léa m'aurait vu en plein pilonnage.
- A les vaches, au meilleur moment ! Ce n'est pas grave, mon amour. Il faut y aller. Nous aurons toute la nuit. Ils se sont dépensés et s'endormiront avant nous. Préparons-nous. Vite à la douche et nous les rejoindrons. Je t'adore.
Nous quittons la tente, Laure m'embrasse, nous courons aux douches, main dans la main. Laure ne tient pas compte des panneaux, me rejoint dans ma cabine, m'embrasse encore, elle me frotte sous l'eau, je lui rends le même service, découvre enfin sous la douche la toison et la vulve: à cause de l'étroitesse de la tente et de notre longue discussion yeux dans les yeux, je l'avais pénétrée avant de voir son sexe. Etrange. Quelques caresses de la main, mais il faut faire vite.
- Ne t'inquiète pas, désormais c'est à toi. Patiente. Je te plais ?
- Non !? Tu es merveilleuse.
Nous nous retrouvons en bout de table pour un repas simple mais copieux. Je suis l'objet de curiosité, on me regarde, on interroge Laure, suis-je à la hauteur de ses espérances ?
- Ca ne vous regarde pas. Mais, Adrien veux-tu leur dire ce que tu m'as offert. Sinon, me permets-tu d'en faire l'annonce.
Elle me fixe, les yeux baignés de larmes. J'embrasse sa main en signe d'assentiment, hoche la tête de haut en bas et sourit de mon mieux. Je n'avais pas envisagé d'aller aussi vite en besogne, mais les événements ont pris le pas sur mes prévisions. Cette femme s'est donnée à moi, elle sera ma femme.
- Mes amis, Adrien vient de me demander ma main.
Bravos, cris de joie, applaudissements à notre table, à toutes les tables. Heureusement nous ne sommes pas en pleine saison. Laure se précipite au bar. Le réfrigérateur ne contient que deux bouteilles de champagne, les autres boiront du mousseux ou un petit gris du pays.
Je dois me lever, embrasser la fiancée. Le gérant lance un disque, on pousse les tables. On danse, on danse. A la danse du balai, Gilles m'arrache Laure. Emilie se précipite sur moi.
- Alors, c'était comment ? Elle est bien Laure, hein. Tu as de la chance. Elle aussi d'ailleurs a beaucoup de chance. Je suis avec Gilles, il ne parle pas de mariage, il trouve qu'il suffit de s'aimer, que les papiers compliquent la vie. C'est pour quand ?
- Quoi ?
- Le mariage ? Tu as déjà oublié ! Tu danses toujours à un kilomètre ? Rapproche-toi. Oui, comme ça.
Changement de cavalière
Marc a été plus rapide que moi, je suis accroché plus que je ne choisis et me retrouve avec Marie dans les bras. La jolie blonde a bien chanté durant la sieste crapuleuse, m'a donné des frissons en clamant son plaisir, mais je la sens prête à se dépenser encore, fût-ce avec le fiancé de sa meilleure amie. Elle me le dit, elle me sollicite en se pressant contre moi. Bizutage ou véritable envie. On me teste.
Changement de cavalière.
C'est un coup monté, le changement intervient lorsque je suis éloigné de Laure. Elle a dansé avec Gilles, avec Marc, elle danse avec Sylvestre. Je tiens le balai. Elle rayonne, bavarde, rit, heureuse, oublieuse. Un inconnu m'a encore damé le pion, je garde le balai. Qui tape à ma place ? Laure est trop heureuse pour le voir. Compatissante Léa se poste à côté de moi. Son intention est claire. A éviter, elle sent la transpiration. J'adore les parfums. Elle veut bien tenir le balai, il faut que je m'absente un instant.
Je m'éloigne, marche jusqu'au bord du lac, trouve une table et un banc, je m'assieds et regarde un vol d'oiseaux sauvages dans le soleil couchant. Des canards sans doute. Je goûte la fraîcheur du soir. La musique semble toute proche, ne veut pas s'arrêter. Je marche à la limite des vaguelettes, dos tourné à ma tente. Les rythmes modernes troublent le silence qui s'abat sur le lac. La voix de Johnny porte au loin sur les flots calmes. Je n'aurais pas dû me lancer aussi vite. Rien n'est sûr. Laure ne pense plus à moi, ne s'est même pas aperçu de mon absence. Le doute s'insinue. J'ai été sa fantaisie du jour pour un acte incomplet qui plus est. Dans les bras d'autres hommes, elle oublie ses efforts pour paraître amoureuse de moi, sollicitée parce que connue par tous les habitués. La musique a cessé. Sous le toit de chaume du restaurant de camping un conteur fait rire l'assemblée. Raconte-t-il ma piètre performance amoureuse. En tout cas, il a du succés. Les rires stridents des femmes, les exclamations fréquentes me disent qu'il s'agit d'une histoire osée.
On se disperse, je me retourne pour voir les petits groupes se diriger vers les tentes.
Voici un autre banc. Il commence à faire frais, mais je suis trop mélancolique pour affronter la joie de la promise. Je n'aurais pas dû prendre cette permission. Je n'aurais pas dû m'attarder avec Aurélie, je n'aurais surtout pas dû monter dans la voiture de Laure, ni me glisser sous sa tente, ni me déshabiller, ni me laisser aller à ce simulacre d'amour. C'était bâclé, et les complices y ont mis fin avec leur stupide seau d'eau. Bizutage. Un de ceux qu'on désigne comme les plus beaux moments de la vie, interrompu. Bizutage. Je t'en foutrais !
Demain je m'en retourne et j'oublie cette journée tourmentée, cette fille irrésolue, instable, superficielle. Elle doit-être en train de rire de moi avec ses copains et ses copines ou s'est laissé attirer par un mâle moins regardant et plus décidé, de ceux qui ne posent qu'une question « Tu baises ? ». Succès assuré m'ont raconté les bidasses. La prochaine qui me fera les yeux doux aura intérêt à savoir courir vite. Je ferme les yeux, me repasse le film de cette journée.
En me levant je me promettais d'être le plus heureux des hommes. De cahots en secousses, de désespoir en liesse, de bonheur en désillusion, enlacé, embrassé, fiancé pour être aussitôt abandonné par Laure arrivée au terme de sa comédie, publiquement ridiculisé enfin à tenir un balai, devant des gens hilares qui ne me quittaient pas des yeux, je suis là comme un idiot à me lamenter sur mon sort. C'est fini, je vais aller m'abriter dans un des bâtiments désertés et y attendre le matin, loin des râles d'amour des campeurs. Fiançailles de paille ! Je le répète à voix haute : Fiançailles de paille !
Deux mains se posent sur mes yeux fermés. Deux petites mains dont se dégage une odeur étrange de transpiration ou d'urine et de parfum fatigué, deux mains de femme qui a négligé de les laver après l'amour.
- Qui c'est ? Demande une voix de fausset dont l'artifice ne me trompe pas.
- C'est Léa !
Les mains se retirent.
- Comment as-tu deviné, on se connaît à peine ? Tu es ange ou démon ?
- J'ai beaucoup entendu ta voix pendant la sieste.
- Ce n'est pas possible. Oh ! Tu me charries ! Dis, viens vite. Tu étais à peine parti, Laure est venue pour te faire danser. Je lui ai dit que tu étais aux toilettes. Elle a couru à ta rencontre, ne t'a pas trouvé et depuis elle te cherche, toute affolée. Elle crie que c'est de notre faute, que nous t'avons découragé, dégoûté. Elle veut quitter le camp, repartir si nous ne te trouvons pas. Elle est en colère, ne veut plus jamais nous voir. En ce moment elle pleure sous sa tente et envoie tout le monde au diable. Et monsieur le lieutenant rêve au bord de l'eau au clair de lune comme un Lamartine.
Viens, donne-moi la main, je ne vais pas te perdre deux fois en une soirée.
- Tu crois que c'est nécessaire ? (je pense à l'odeur). Aujourd'hui Laure m'a oublié deux fois. Elle s'est payé ma tête.
- Fiançailles de paille : C'était pour ça ! Je ne comprenais pas. Mais non, tu es fou, elle t'adore. Depuis huit jours elle ne parlait que de toi. Elle s'amusait à faire marcher Raymond pour se venger parce qu'il l'avait trompée. Elle voulait l'amener ici et retourner immédiatement à la maison avec Gilles et Emilie seulement. Nous étions tous au courant. On voulait te bizuter, on t'a raconté des conneries. Tu marches plus vite dans nos blagues que sur le chemin ! Allez, avance, file la consoler. Excuse-moi pour le seau d'eau, je suis bête des fois. Et le coup du balai, elle n'était pas plus au courant que toi, c'était un coup monté, il y avait deux balais et on faisait exprès de vous séparer pour que vous puissiez souhaiter vous retrouver. Cesse de bouder et cours ou je t'embrasse et je te viole. Si tu ne cours pas, j'appelle les autres.
- Laure, il arrive avec Léa, elle l'a trouvé. Marc allume ta lampe torche et envoie le signal.
C'est la voix de Marie. Laure accourt et se jette dans mes bras, m'embrasse. Je sens les larmes sur ses joues. Elle va m'étouffer.
- Mais où étais-tu passé ? Pourquoi t'es-tu caché ? J'ai eu si peur. Allez, viens chez nous. Bonsoir, vous autres. Le premier qui me fait « ch? », je le tue. Qu'on se le dise. Merci Léa. Viens Adrien.
Plus bas :
- Nous avons du temps à rattraper. Je n'ai pas besoin d'explications, j'étais aussi en colère que toi. Tu as cru.
Elle fond en larmes, hoquète. Ses nerfs ont été mis à l'épreuve aujourd'hui.
- Ils le faisaient exprès. J'attendais qu'ils se lassent pour te rejoindre et danser avec toi. La journée a été dure pour toi. On devrait être si heureux. Oublie les déplaisirs, aime-moi. Mais tu es glacé, tu vas tomber malade, viens te coucher contre moi, je vais te réchauffer.
Il fait noir, je me blottis contre Laure. Sa peau est douce et chaude, sa bouche dépose des baisers sur mon visage. Ses mains réchauffent mon dos.
- J'ai emprunté un sac de couchage sec, il n'y a pas de fermeture Eclair au milieu et il est plus ample. Qu'est-ce que je tiens dans ma main. Voilà au moins une partie de ton corps réchauffée, prête à servir. Pousse-toi un peu, je vais occuper le milieu du sac et tu vas t'étendre sur moi.
Nous sommes face à face. Nos bouches se retrouvent. En appui sur les coudes j'évite de peser trop sur les coussins moelleux des deux seins. Les bras de Laure se referment sur moi. Ses deux cuisses de velours rament sur mes jambes poilues, électrisent ma peau. Sa chaleur se communique à tout mon corps. Ma verge gorgée de sang durcit entre nos deux ventres
- Tu veux ? Viens en moi, comme tout à l'heure. Cette fois, personne ne se risquera à nous déranger, ils sont prévenus. Laisse-toi guider.
Elle relève ses genoux, m'attire vers elle, s'amuse à promener mon membre sur la ligne de sa vulve. Peu à peu ses lèvres charnues s'ouvrent docilement. Je pousse légèrement, à la recherche des parois humides. Il fait noir sous la tente, je pénètre, plus attentif aux sensations, mais j'aurais aimé lire dans les yeux de Laure le plaisir de me recevoir. En douceur j'atteins mon plus profond. En douceur Laure m'encourage, elle ne veut pas ameuter le secteur. Elle prend les initiatives, mon corps répond. Soulève-t-elle son bassin, je creuse. Si elle appuie ses mains dans mon dos, je comprends qu'elle me souhaite immobile, fiché en elle. J'éprouve un bien-être incroyable, j'espère lui procurer le même. Le murmure à mon oreille me rassure, elle apprécie et se donne. Je chuchote ma joie, elle m'étreint plus fort, roule des hanches, son murmure croît sur mes lèvres, sa langue m'investit.
- Maintenant, gémit-elle.
Je me retire à la limite du contact et plonge à fond. Je suis lancé, elle m'accueille, je lime, elle m'exhorte, je pompe, elle s'ouvre davantage. J'entends l'accélération de son souffle, ses doigts s'enfoncent dans mes reins, je me heurte à l'arc tendu de son ventre tremblant.
- Oui, je viens, c'est bon. Encore? Continue? Fort' Oui.
Je veux me retirer, impossible elle à renoué ses membres et me maintient en elle.
- Laure, je vais partir, je sens, je pars.
- Non, reste, je veux sentir les jets de ton sperme en moi. Oui, oui.
Nous sommes immobiles, toujours unis par nos sexes et par nos bouches. Je viens de verser en elle la marque de mon amour. Elle ne veut pas de séparation, m'agrippe.
- Ne t'en fais pas, je ne suis pas en période fécondable. Et je suis heureuse que tu sois le premier à répandre ton sperme dans mon vagin. Jusqu'à ce jour, j'ai toujours imposé le préservatif. Si tu permets, je vais m'essuyer, tu m'as remplie de tes années d'attente ! Elle me tourne le dos après avoir allumé sa lampe torche, se penche un moment. Ce partage des soins intimes, partie de l'acte, est émouvant. Et quand Laure se penche sur mon bas ventre pour nettoyer mon pénis, je sais qu'à l'avenir plus rien ne nous gênera. Je m'abandonne à ses soins caressants.
Elle repose contre moi, veut savoir si j'ai aimé. Je réponds en allant l'embrasser. A voix basse :
- Pour moi cela a été extraordinaire, parce que je t'aime et que je sens que tu m'aimes vraiment. Tu voudras encore, mon chéri ?
- Comment ne pas vouloir ? Tu m'as si bien conduit. Je ne ferais que ça toute la nuit.
- Oh ! Le vantard. Tu apprendras la différence entre vouloir et pouvoir. Donne-moi ta main.
Ma main est posée sur sa vulve. Je ne vois rien, mais elle me fait visiter les lieux.
Cette petite boule, c'est mon clitoris, mouille ton doigt en dessous et reviens tourner autour et sur ce petit bouton. Oui, c'est un point très sensible. Tu peux le taquiner gentiment, comme ça. Humm, hum. Tu fais bien. Si tu appuies un peu plus, toujours délicatement, tu vas allumer un incendie dans mon sang. J'aime. En même temps, veux-tu prendre entre tes lèvres mon mamelon. Approche. Tu trouves. Tu peux lécher l'aréole, sucer la pointe. Cela aussi c'est délicieux et excitant. Si tu veux émouvoir mes sens tu vas utiliser tes deux mains et ta bouche pour mon clitoris et mes deux seins.
Dans le noir, avec des tâtonnements j'apprends, ma maîtresse jouit et me remercie, elle profite de mon zèle de novice puis s'enquiert de l'état de mon sexe en allant le prendre entre ses doigts. Les tabous, les interdits, les craintes : Envolés, on s'aime.
J'ai repris forme, Laure m'enjambe se pose sur moi.
- C'est le moment de démontrer ton endurance, mon bel amour. Ne bouge pas.
En peu de temps elle m'inculque les grandes lignes d'une relation sexuelle réussie. Mes mains sur ses reins sentent les efforts, elle arrondit le dos et me tient en elle ou elle creuse la courbe et relève son sexe à la limite de mon gland puis me fait redécouvrir sa chaleur intime. Lentement, longuement, comme infatigable elle s'enfonce sur moi ou se retire. Nos corps se lient, ce sont deux complices en harmonie. Ce plaisir dure une éternité bienheureuse. Laure m'embrasse, Laure dit qu'elle m'aime. Je suis un homme heureux. Je veux son bonheur, je veux la sentir vibrer, trembler de volupté. Elle me promet un amour éternel. Une nouvelle fois, je sens monter dans mon membre, en contractions puissantes, les jets de sperme qui vont tapisser les parois de ce sexe apprivoisé et gourmand.
- Bonjour, mon amour. Je t'aime. Aime-moi.
C'est l'heure du réveil. Nous sommes jeunes, pleins de vie et d'envie. Laure m'attire pour un baiser, me tire sur elle, me prend en main, me caresse avec douceur, me présente, me fait entrer, tendue pour m'accueillir, me transmet le mouvement, donne la cadence, me suce une oreille. Il fait jour, nous étudions dans les yeux et sur le visage aimé la montée du plaisir. Quand Laure baisse les paupières, bloque sa respiration et vire au rouge, quand dans mon dos je sens la pression de ses doigts crispés, je sais qu'elle a atteint l'orgasme et je peux me laisser aller, à mon tour je ferme les yeux pour mieux ressentir l'écoulement en secousses rapides de mon sperme dans mon amour de femme.
Nous ne nous quittons plus. La toilette, le petit déjeuner, un tour en voilier sur le lac, le démontage et le rangement de la tente, une dernière promenade en amoureux, nous faisons tout à deux. Les six autres se sont faits discrets. Nous les retrouvons à la table du déjeuner, puis pour une dernière partie de boules. Je ne compte pas les baisers ni les étreintes, que la boule soit bonne ou se perde nous nous embrassons, nous nous prenons dans les bras, nous nous regardons. C'est délicieux. Nos compagnons font semblant de ne pas voir.
Les meilleures choses ont une fin. Assez tard, nous nous séparons sur mille promesses. C'est un déchirement.